Chapitre 3 (2) (corrigé)

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Miss Doyle arqua un sourcil et pinça ses lèvres rigides, elle examina Jane et lui demanda en ne cachant pas sa curiosité :

– Qu'est-ce que tu vas en faire de ces torchons ?

– Les lire, répliqua-t-elle sans se laisser submerger par l'envie de dire à la vieille femme que cela ne la regardait pas.

– Pourquoi faire ? Ces vieilleries sont dépassées.

« Comme vous après tout » s'agaça Jane. Mais elle se garda bien d'être aussi franche.

– J'ai l'intention d'écrire mon propre roman. J'ai besoin de renseignements pour définir certains personnages, mentit-elle.

– Un roman ? Toi ? Quelle bêtise ! s'éclaffa la vieille. Allons ma p'tite, les jeunes bourgeoises de ton espèce passent leur temps à acheter des robes à froufrous ! À apprendre le français, à chanter, jouer de la musique et attendre qu'on leur colle un mari entre les pattes pour se muer en poules pondeuses ! Mais elles ne pensent pas à écrire des sottises que personne ne lira.

Jane fronça les sourcils, elle se renfrogna mais poursuivit la conversation le plus courtoisement possible.

– Qu'en savez-vous ? Ne dites pas cela. Je suis très sérieuse, je veux écrire.

– Pardi ! Et moi je veux qu'on me pose une couronne sur la tête ! C'est très bien de vouloir ma belle, c'est autre chose d'avoir. Et de quoi elle va parler ta jolie histoire hein ? De deux idiots qui tombent amoureux ? Il en existe déjà des tas comme ça ! De toute manière ta sorcière de tante ne te laissera jamais faire ça, tu le sais très bien. Tu risquerais d'érafler le blason.

– Justement je souhaite que cela change. Et mon histoire ne parlera pas d'idiots qui sont amoureux ou je ne sais quoi. Je veux écrire comme ce nouvel écrivain, Sir Arthur Conan Doyle.

– Pff connais pas.

– Il écrit des enquêtes, la mienne sera à propos de Jack l'Éventreur, déclara fièrement Jane.

Miss Doyle la scruta, ébahie avant d'éclater de rire et de se bidonner sans vergogne. Jane croisa les bras sur sa poitrine et haussa un sourcil, vexée de n'être pas prise au sérieux par ce petit bout de femme âgée qui devrait pourtant la comprendre. C'était vrai, après tout, elle aurait très bien pu écrire si elle l'avait voulu !

– Fais pas cette tête-là ma fille, dit la vieille entre deux rires rauques, que vas-tu inventer à propos de Jack ?

– Mon héros enquêtera pour trouver l'identité du tueur. Mais pour cela, il me faut quelques informations sur lui. Vous voyez ce que je veux dire évidemment.

– Hum hum. Et bien sûr tout ça n'a rien à voir avec le retour du tueur de Whitechapel n'est-ce pas ?

Jane blêmit, se sentant soudain mise à nue.

- ... Non ? lâcha-t-elle peu convainquante.

– Ah ! Bah ça ! Crache le morceau ma fille !

– Je vous l'ai déjà dit, je veux lire les anciens journaux pour mieux cerner l'identité du tueur.

La vieille bibliothécaire plissa les yeux et détailla calmement l'étrange demoiselle qui la foudroyait du regard. Elle haussa finalement les épaules.

– Soit. Suis-moi.

Elle tourna le dos à Jane et se dirigea vers l'escalier en colimaçon au fond de la salle et grimpa difficilement les marches, Jane sur ses talons. À l'étage une grande table en vieux chêne grignoté par le temps trônait entre les hautes étagères.

Les Chroniques Infernales- Le réveil du LéviathanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant