Chapitre 30 (3) (corrigé)

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Dans le couloir une voix grave et forte qui semblait rouler sur le velours râlait et accusait sans vergogne une personne dans son dos.

Deux femmes déboulèrent dans le salon ; la propriétaire de cette voix si particulière. C'était une dame grande et mince, fardée, un rouge à lèvres sombre sur ses lèvres minces et des yeux sombres intenses cerclés de noir. Si son nez aquilin aurait pu être la source d'un étonnement, Jane le trouva puissant, il marquait avec force le visage de cette créature dont émanait un incroyable parfum d'indépendance. Un turban de perles noires ceignait son front, et ses cheveux bruns épais tombaient sur sa poitrine. Dans sa robe de mousseline noire, elle avait presque l'air d'une silhouette éthérée. Perchée sur ses talons, elle réajusta son châle bleu roi de ses longs doigts griffus, ornés de bagues aux pierres précieuses éclatantes. En effet, les clients du Boudoir d'Aphrodite étaient de bons payeurs. Elle était suivie par la jeune femme en déshabillé qui trottinait derrière elle, maugréant des paroles d'excuses.

Simon se redressa alors et adopta de nouveau son attitude imbibée de fierté et d'arrogance.

- Je ne reçois pas de femmes dans cet établissement seulement si c'est pour y travailler, annonça fermement la femme en s'adressant à Simon.

- Sauf que ma partenaire et moi ne sommes pas de potentiels clients, rétorqua-t-il.

- Alors quel bon vent vous amène Mr Palmer ?

- Nous avons quelques questions à vous poser, Marga.

- Et si je n'ai pas envie de répondre à vos questions ? répliqua la femme effrontée.

Jane fut à la fois surprise et séduite par tant de caractère.

- Je peux vous assurer que vous avez tout intérêt à nous répondre, répondit Simon sur le même ton. Vous n'avez pas envie d'avoir des ennuis, n'est-ce pas ?

- Quels ennuis ? Nous sommes un établissement respectable Mr Palmer ! Mes filles sont bien nourries et les clients sont satisfaits. Nous sommes irréprochables.

- Vous n'êtes pas sans oublier le scandale qui a exposé une de vos « filles » dans une affaire plutôt compromettante il y a quelques mois, n'est-ce pas ? Un vol chez un lord... Voilà une tâche qu'il vaudrait mieux garder effacée de ce resplendissant tableau, vous ne croyez pas ?

La dénommée Marga se tendit imperceptiblement. Bien qu'elle n'en montrât rien, sa main couronnée de bagues qui se crispa sur le dossier du fauteuil n'échappa pas à Simon, signifiant que la maquerelle n'avait pas oublié cette affaire qui avait failli lui coûter son commerce.

- Je ne vois pas de quoi vous voulez parler, déclara Marga.

- Moi je crois que si.

- Vous osez me menacer dans mon propre établissement ? siffla-t-elle entre ses dents.

- Je ne demande que votre coopération, rappela Simon calmement mais fermement.

Il y eut un silence et Marga se redressa, scrutant tour à tour Jane et Simon.

- Qui êtes-vous au juste ? les questionna-t-elle en plissant les yeux.

- Des loyaux sujets de Sa Majesté qui sont ici pour éviter un meurtre, répondit le journaliste sans se débiner.

La franchise du petit journaliste et son arrogance surprirent Marga qui porta une main à son cœur battant sous une colonie de bijoux.

- Un meurtre ? répéta-t-elle.

- Oui, si vous voulez bien vous assoir nous allons essayer d'en discuter.

La femme s'assit alors sur un des voltaires, en face du duo. Jane en profita pour étudier Marga : c'était une femme plus âgée que sa tante, ridée mais qui conservait ses charmes. Elle toisait Simon sans ciller, tel d'un faucon à l'affût. Elle était formidablement terrifiante.

Les Chroniques Infernales- Le réveil du LéviathanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant