Chapitre 19 (2) (corrigé)

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Deux bruits secs retentirent contre la porte de la chambre. Les minutes s'écoulèrent, longues et silencieuses sans que Jane n'en tint réellement compte. Cette dernière vagabondait dans le flux capricieux de ses pensées, un sourire idiot qui lui collait aux lèvres et dont elle ne parvenait pas à se débarrasser depuis qu'elle avait ouvert avec appréhension ce petit bout de papier. Simon Palmer lui avait donné rendez-vous. Le célébrissime journaliste et véritable étoile montante du Daily Telegraph l'avait contactée. Elle. Une jeune fille de petite bourgeoisie, rencontrée dans une de ces nombreuses salles d'interrogatoire de Scotland Yard baignée dans une lumière jaunâtre et une odeur âpre de tabac froid. Une étrange fille échevelée qui s'était jetée à corps perdu dans le projet fou de démasquer Jack l'Éventreur. Il voulait lui parler, elle n'arrivait pas à y croire ! Sa raison s'interrogea brièvement sur les motivations du journaliste. La suivait-il pour le compte de l'inspecteur McColl ? Et s'il voulait la preuve qu'elle faisait quelque chose d'illégal. À moins que celui-ci ne veuille juste la revoir... Cette pensée la rendit guillerette.

Elle frappa de nouveau contre la porte, impatiente, mais personne ne vint lui ouvrir. Intriguée, elle colla l'oreille contre le vieux bois, espérant intercepter des bribes de conversation, n'importe quoi qui attesterait de la présence d'une vie. Mais rien. Pas le moindre son. Elle tenta d'ouvrir la porte avec le pressentiment qu'elle serait fermée, et en effet, elle l'était. « Voilà qui est étrange... » Se dit-elle. Ne souhaitant pas rester ad vitam æternam à faire la potiche devant la porte, elle descendit les marches, allant quérir auprès de Mathilde des nouvelles de son partenaire.

- C'est que, cela doit bien faire trois jours que je ne l'ai pas revu Miss Warren, lui répondit Mathilde.

« Trois jours ? » Jane tomba des nues. Elle s'était attendue à tout sauf à cela, qu'il n'était pas rentré de la nuit peut-être, mais depuis trois jours... C'était tout de même difficilement concevable. « À moins qu'il n'ait trouvé une maîtresse. » lui souffla une petite voix désagréable, et l'image de Brenda s'imprima dans son esprit. Jane ne tint pas rigueur de cette petite pique de son inconscient, et tâcha de trouver une explication rationnelle. Will n'en faisait qu'à sa tête, mais il était loin d'être imprudent, au contraire. Il veillait à parfaitement surveiller ses arrières avait remarqué Jane. Alors, ou pouvait-il bien être ? Peut-être savait-elle où le trouver...

La porte grinça dans le vieux magasin. Jane frissonnait toujours autant lorsqu'elle foulait le plancher poussiéreux de l'établissement étroit de Mr et Mrs Zhang. Son rêve lui revint en mémoire : l'humidité du sol, le croassement du corbeau, la lumière chatoyante de la maison close et le cri déchirant de ses souvenirs.

- J'peux faire quelque chose pour vous, milady ?

Jane sursauta. Au comptoir Mrs Zhang l'observait, dans son vieux vêtement bleu qui avait dû être d'une couleur magnifique dans les premières années de sa vie. La vieille dame sembla la reconnaître.

- Oh ! Mais c'est vous ! (elle fit le tour du comptoir pour prendre les mains de la jeune fille dans les siennes.) Je savais que vous la trouveriez ! Et vous l'avez sauvée en plus ! Comment vous remercier ? Oh je sais ! Vous prendriez bien une tasse de thé ma chère ? proposa Mrs Zhang sur un ton de gratitude que Jane ne lui soupçonnait pas. Huang ! cria-t-elle.

La demoiselle faillit de nouveau avoir une crise cardiaque lorsqu'elle vit le petit homme à la peau de parchemin qui se tenait derrière elle, un sourire édenté sous sa moustache fine. « Mon Dieu... Je ne l'ai même pas entendu arriver ! »

- Je vous remercie pour votre chaleureuse hospitalité, elle me va droit au cœur, soyez-en assurée, répondit Jane. Mais si je suis ici c'est parce que j'ai besoin de voir Nokomis et...

Les Chroniques Infernales- Le réveil du LéviathanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant