Le musée des horreurs
« Je n'ai ni foi ni espérance ; je peux rendre mon cœur dur comme une meule, ma figure impassible comme un silex,
Voler, être volé et puis mourir : qui sait ?
Nous ne sommes que cendre et poussière. »
Alfred Tennyson, Maud
Jane dormit d'un sommeil sans rêves et aux premières lueurs du jour elle engloutit son petit déjeuner et fila faire un tour dans les rues déjà bien animées de Londres. Elle prit place sur un banc dans Hyde Park, nouvelle édition du Daily Telegraph qu'elle s'était procuré en chemin sous le bras, et ne put cacher sa déception à la lecture de la Une. Le nouvel article de Simon Palmer parlait bel et bien de l'affaire Jack l'Éventreur, mais il s'avérait bien avare en informations ; pas de nouveau suspect, le boucher d'Aldgate ayant été relâché pour manque de preuves tangibles, pas de précisions sur le corps retrouvé, pas de nouvelles pistes et surtout pas de mention de Magdalena Roserfield... Rien hormis quelques lignes sur le vol par effraction dans le bureau de l'inspecteur McColl dont Will était l'auteur.
Jane demeurait réservée sur la situation. Will le lui avait bien dit, si cette Magdalena Roserfield était bien la dernière victime de l'Éventreur et qu'il y avait du nouveau dans l'affaire, l'inspecteur McColl se gardait bien de partager son dîner avec la presse. De ce fait, la jeune fille n'avait rien de nouveau à se mettre sous la dent, et elle était d'avis que Scotland Yard tenait le plus possible à l'écart la presse et autres fouineurs, de sorte que, pour continuer à alimenter la curiosité des Londoniens et vendre du papier, les journaux continuaient à placer au premier rang et en lettres capitales deux mots : « JACK L'ÉVENTREUR », afin d'alimenter la rumeur sur cette légende qui hantait les rues de Whitechapel. L'heure était simplement au fait divers qui servait à défrayer la chronique et encourager les discussions et débats dans les salons.
La jeune fille se leva résolument, Will avait raison, si elle voulait du concret il allait falloir qu'elle se salisse les mains. « Eh bien soit ! Qu'à cela ne tienne ! J'irai à la chasse aux informations moi-même ! » Se dit-elle résolue. Certes, c'était tout à son honneur que cette belle volonté, cela dit par où commencer ? Il lui fallait d'abord trouver la preuve que la nouvelle victime de Jack l'Eventreur était bel et bien cette Magdalena Roserfield, ainsi elle pourrait reconsidérer les renseignements de Nokomis et pourquoi pas son lien avec cette sombre affaire. Et pour cela, Jane savait exactement où aller.
« MORGUE »
Au-dessus de sa tête, l'écriteau en caractère majuscule semblait narguer son petit monde avec insolence, à la manière d'un Memento Mori glaçant. Le petit bâtiment était aussi lugubre que le mot qui le désignait, si un promeneur candide venait à passer par là, aucun doute qu'il aurait tourné les talons loin de ce lieu inquiétant. Mais Jane n'était pas ce genre de promeneur innocent.
La porte qui menait tout droit aux Enfers n'était pas gardée par un quelconque Cerbère, ce qui était plutôt étonnant vu l'euphorie autour de l'affaire Jack l'Éventreur. Par habitude la jeune fille jeta quelques coups d'œil de part et d'autre avant de pénétrer dans le royaume des cadavres. Depuis les terribles forfaits de Jack l'Éventreur, les corps de ses deux dernières victimes étaient entreposés ici, où seuls les légistes les plus brillants et les policiers de Scotland Yard étaient autorisés à s'aventurer malgré le froid glacial et l'atmosphère pesante qui y régnaient.
VOUS LISEZ
Les Chroniques Infernales- Le réveil du Léviathan
Historical FictionAngleterre, Londres 1888. De nombreux meurtres étranges se succèdent dans les ruelles sombres de Whitechapel. Les victimes sont toutes des prostituées, assassinées puis mutilées dans une barbarie extrême. Les médias s'enflamment et surnomment l'assa...