Chapitre 21 (3) (corrigé)

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Au Purple Rose Coffee, des mondains dégustaient un thé avec des biscuits, d'autres qui voulaient se la jouer à la française commandaient un café noir. La joie et la bonne humeur fusaient de toute part en cet agréable matin de printemps. Attablé à une des tables extérieures de l'établissement, caché derrière un journal et un sifflement gai, Simon Palmer attendait patiemment son invitée. Il avait proposé un rendez-vous à la charmante Miss Warren, non pas dans l'optique d'une entrevue galante, plutôt pour un échange qu'il espérait riche en révélations.

Quelqu'un s'éclaircit la gorge, il leva les yeux de son journal pour croiser le splendide regard bleu aux nuances de gris, de la jeune femme qui se tenait devant lui. Aussitôt il se leva, avec son excessivité et sa maladresse qui faisait de lui un être entier et charmant. Il se plaça face à elle et dans une courbette la salua :

- Miss Warren, c'est un réel plaisir de vous voir ici. J'espérais au plus profond de moi que vous viendriez.

Il saisit la main gantée de la jeune fille pour y déposer un chaste baiser. À ce geste, Jane resta coite, ses yeux se mirent à briller et un sourire éclaira son visage.

- Vous êtes radieuse aujourd'hui, Miss, ajouta Simon en lui souriant.

L'effet fut immédiat et Jane rosit de plaisir sous le compliment de Mr Palmer. Elle lui offrit un signe de tête reconnaissant pour le remercier, beaucoup trop abasourdie par tant d'attention pour parler. Simon tira sa chaise et la poussa doucement vers la table une fois que la jeune fille fût assise et qu'elle ait arrangé ses jupes. En faisait-il trop ? Si c'était le cas la jeune fille n'en montra rien, elle paraissait même ravie d'autant d'attention.

Pour être parfaitement honnête, c'était la première fois que Jane se retrouvait seule face à un homme, dans le cadre d'un rendez-vous. Ses jeux d'enfants avec Bryan Carroll, et ses entrevues avec Will ne comptaient pas. Les jeunes filles de son âge étaient habituellement accompagnées d'un chaperon, et Jane aurait dû avoir tante Helen à ses côtés pour que ce soit rendez-vous en bonne et due forme. Or, la conversation que s'apprêtaient à avoir les deux jeunes gens, n'avait rien de très mondaine et courtoise, n'est-ce pas ? À moins qu'ils trouvent tous deux un tout autre intérêt à ce tête-à-tête...

- Miss Warren, commença Simon Palmer, ma démarche peut sans doute vous paraître cavalière et indigne d'un gentleman, aussi je comprendrais que vous voudriez m'abandonner à cette table. Mais si je vous ai convié à me rejoindre ce matin, c'est pour que nous conversons sur un sujet, à mes yeux, des plus sérieux...

Jane hocha la tête pour acquiescer, mais la vérité était que deux émotions se disputaient en elle : de la curiosité, bien évidemment. Qu'avait donc à lui dire le journaliste pour lui proposer de se voir seuls dans un café ? Cela avait certainement un rapport avec l'affaire. Jane en trépignait déjà ! Seulement, d'un autre côté... Elle était quelque peu déçue que ce ne soit pas pour la revoir elle, en personne. Mais comme la parfaite lady qu'elle se devait être, elle n'en montra rien, et se contenta de sourire, toute ouïe à ce que son interlocuteur s'apprêtait à lui dire.

Simon Palmer prit une grande inspiration et se jeta à l'eau :

- L'autre nuit, dans la salle d'interrogatoire, vous m'aviez l'air sincère, commença-t-il. Et pour ne rien vous cacher, j'ai de suite senti que nous étions liés par ce qui nous pousse à risquer notre peau un peu plus chaque jour : l'affaire Jack l'Éventreur.

C'était donc cela. Réjouie que Simon Palmer désire discuter de l'affaire avec elle, elle se rappela rapidement des circonstances dans lesquelles ils s'étaient rencontrés. Jane se souvenait très bien de la salle d'interrogatoire moite, du regard perçant de l'inspecteur McColl... Peut-être que Simon l'avait aidée à s'en sortir dans le but de lui soutirer des informations plus tard ? Depuis qu'elle côtoyait Will, le diable en personne, elle commençait à comprendre qu'il fallait se méfier des apparences. Malgré la sympathie qu'elle éprouvait pour le charmant journaliste, il fallait qu'elle reste alerte.

Les Chroniques Infernales- Le réveil du LéviathanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant