Chapitre 5 (1) (corrigé)

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Le plan

« Je n'aime véritablement que peu de gens et en estime moins encore. Plus je connais le monde et moins j'en suis satisfaite. Chaque jour appuie ma conviction de l'inconséquence de tous les hommes et du peu de confiance qu'on peut accorder aux apparences du mérite et du bon sens. »

Jane Austen, Orgueil et Préjugés


Quand Jane ouvrit brusquement les yeux, la première chose qu'elle vit fut le vide au-dessous d'elle lorsqu'elle chuta de son lit. Elle sut qu'elle était bien réveillée quand elle sentit le sol dur sous son corps où elle s'écrasait de tout son poids de manière assez peu élégante.

- Aïe, gémit-elle d'une voix rauque.

Au moins elle avait retrouvé l'ouïe.

Elle se releva difficilement. Un réveil de la sorte n'était nullement agréable, surtout quand la nuit qui précédait avait été mouvementée. Elle commençait à en avoir assez de ces cauchemars sanglants et de ces nuits trop courtes qui lui donnait une mine affreuse. Jack l'Éventreur occupait tellement son esprit qu'il parvenait même à s'immiscer jusque dans ses rêves : un drôle de havre de paix transformé en purgatoire avant l'Enfer.

Elle ne se donna même pas la peine d'aller jusqu'à sa fenêtre pour voir le temps qu'il faisait comme à son habitude. Et ma foi elle se fichait bien de l'heure qu'il pouvait être, elle ne voulait pas se recoucher. « Pour finir de la même façon que ces femmes ? Même pas en rêve ! »

Avec la démarche d'une morte-vivante elle se dirigea jusqu'au miroir de sa coiffeuse, en voyant son propre reflet épouvantable elle étouffa un hoquet d'horreur ; ses cheveux étaient en bataille, si bien qu'on aurait dit qu'un oiseau y avait fait son nid, ses cernes de plus en plus creusés par la fatigue et son teint était à faire peur.

– La reine des horreurs, grommela-telle.

Pour se changer les idées, elle prit un long bain en oscillant entre somnolence et rêverie. Quand Béatrice claqua la porte de sa chambre, Jane poussa un grognement, la porte ne cessait de cogner dans son crâne désormais, et cela l'irritait fortement.

Béatrice remarqua sa mine renfrognée.

– Tout va bien mademoiselle ?

– Je vais bien, marmonna Jane entre ses dents.

Si elle comptait faire bonne figure aujourd'hui, c'était raté. La domestique parut surprise de la mauvaise humeur de sa jeune maîtresse, mais sans un mot elle vint s'occuper d'elle, comme on le lui avait appris. C'était-à-dire en faisant partie des meubles. Sois obéissante et tais-toi.

Jane sortit lentement de son bain tiède et enfila une robe grise rayé de noir, à l'image de son humeur. La seule touche de lumière dans son apparence résidait dans la texture satinée de son superbe vêtement. Mais alors qu'elle continuait à se trouver affreusement laide devant son miroir, Béatrice perçut son inquiétude et lui souffla quelques conseils dont seules les femmes de chambre en avaient le secret ;

– Pincez-vous les joues, cela vous donnera meilleure mine. C'est ce que mademoiselle Julie votre cousine fait tout le temps.

Jane suivit son conseil, seulement la malheureuse peu experte de ces secrets de beauté pinça beaucoup trop fort et se retrouva avec des pommettes rouges comme si on l'avait giflée des deux côtés. Elle se mordit les lèvres pour s'empêcher de râler grossièrement. « Il y a des jours où il faudrait vraiment que je reste couchée. » Qu'est-ce qu'elle pouvait être maladroite parfois !

Les Chroniques Infernales- Le réveil du LéviathanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant