Chapitre 3 (1) (corrigé)

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Partner in crime

"La route de la vertu n'est pas toujours la plus sûre, et il y a des circonstances dans le monde où la complicité d'un crime est préférable à la délation."

Marquis de Sade



            Quand Jane rouvrit les yeux le corbeau était bel et bien toujours là. Posé côté d'elle, ses deux billes noires la fixaient intensément. À quelques centimètres de l'oiseau, elle tentait de reprendre son souffle alors que sa vision était encore voilée et que ses oreilles bourdonnaient. Les pavés de la rue étaient glacés et l'air frais qui s'engouffrait dans ses cheveux l'aida à reprendre ses esprits.

Elle essaya alors de se relever en dépit d'un sol tanguant sous ses pieds. Quand enfin elle fut debout, elle observa autour d'elle, cherchant un détail familier qui lui aurait permis de reconnaître l'endroit où elle venait de se réveiller. Des images traversèrent furtivement son esprit : un homme en cape noire, le visage caché, une jeune femme sous un lampadaire, des mots inaudibles échangés au détour d'une ruelle, le silence soudain, l'étourdissement puis un corbeau.

Elle se retourna pour chercher volatile ; il avait disparu. Cependant quelque chose d'autre attira son attention. Au bout de la rue, une silhouette vêtue d'un manteau bleu marine se tenait à l'angle d'une maison aux volets fermés, et bien que son visage fût noyé dans l'obscurité la plus totale Jane n'eut aucun mal à le reconnaître. Il s'agissait de l'homme qu'elle avait vu hier. La braise de son cigare brilla dans la nuit, puis il le jeta sur le trottoir avant de l'écraser du bout du pied. Il fit un pas, le bruit sec de ses chaussures contre le pavé indiqua à Jane qu'il se rapprochait dangereusement d'elle.

Prise de panique elle se mit à courir. Elle s'élança aussi rapidement que sa condition physique le lui permettait. Sa course était interminable et plus Jane avançait, plus la ruelle avait l'air de s'étirer encore et encore jusqu'à l'infini, son jupon la ralentissait considérablement et elle avait l'impression que sa course ne se terminerait jamais.

Enfin une intersection apparut et Jane s'y engouffra sans perdre de temps, les poumons en feu. Ses pieds nus rencontrèrent une flaque qui lui fit pousser un petit cri de surprise étouffé, cela mit un terme à sa course folle et elle rejeta en arrière ses cheveux collés à son front par la sueur, essoufflée.

L'endroit était affreusement sombre et, figée, elle attendit un instant que ses yeux s'accommodent à l'obscurité. Elle se remit prudemment à marcher, le cœur battant dans sa poitrine, le son irrégulier de sa respiration et ses pieds nus pataugeant toujours dans la flotte, quand soudainement elle trébucha sur quelque chose. Cherchant à tâtons, elle sentit une matière tiède sous ses doigts. Un éclair déchira le ciel éclairant furtivement la ruelle et Jane se retrouva nez à nez avec la prostituée du lampadaire. Surprise, elle tomba à la renverse. Un autre éclair illumina l'endroit et Jane étouffa un hurlement d'horreur.

La ruelle était en fait une impasse, contre le mur de brique gisait dans une mare de sang le cadavre assit de la fille de mauvaise vie, ses orbites vides fixaient Jane, ses lèvres rouges s'étiraient en un rictus mortel duquel dégoulinait du sang. Ses vêtements étaient déchirés, son abdomen découpé, écarté de part et d'autre laissant voir l'intérieur de ses organes luisants en désordre, ses cuisses ensanglantées ouvertes étaient entaillées de toutes parts. Jane sentit un liquide chaud s'enrouler autour de ses doigts, elle regarda ses mains tremblantes et constata avec terreur qu'elle baignait dans le sang de l'inconnue.

Le tonnerre gronda et le ciel explosa, la pluie se déchaîna avec rage, frappant les briques, martelant le sol. Paralysée par la peur, elle tenta pourtant de se relever avec précipitation. Elle dut rassembler toutes ses forces pour que ses jambes lui obéissent de nouveau et pour tituber loin de ce lieu maudit, cependant elle heurta un nouvel obstacle qui la projeta à terre encore une fois. Un courant électrique l'immobilisa, elle leva vivement la tête et reconnu l'homme au manteau bleu qui l'avait suivie et retrouvée. Elle voulut hurler mais aucun son ne sortit de sa bouche. L'inconnu se pencha en tendant sa main vers elle, mais avant qu'il n'ait pu l'atteindre, elle était de nouveau inconsciente.

Les Chroniques Infernales- Le réveil du LéviathanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant