Chapitre 30 (1) (corrigé)

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Le diable mène la danse

« Il y aura du sang ; on dit que le sang veut du sang. »

Shakespeare, Macbeth


Ce n'est pas pour rien qu'il fait froid dans une morgue, la mort est glaciale. Le monde devient sombre et silencieux une fois les yeux fermés. Pourtant, il ne faut pas avoir peur, car c'est notre lot à tous. La grande faucheuse vient pour tous. Et nous goûtons au baiser de la mort.

Jane se demanda ce que pouvaient éprouver les âmes prisonnières en ce lieu. Souffraient-elles ? La jeune fille aurait bien voulu comprendre leur langage, ce que signifiait chacune de leurs plaintes, si les caresses qu'elle sentait sur sa peau nue étaient bien réelles. Jane aurait voulu les voir, elle aurait voulu leur demander si cela faisait mal de mourir.

Mais pour le moment, elle devait se contenter de les sentir, de les imaginer. Jane envisageait la morgue comme un lieu rempli de ces âmes errantes, comme les cimetières, et au fur et à mesure qu'elle progressait dans le bâtiment, elle entendait des murmures et percevait des frôlements sur son passage.

Cette macabre ambiance oppressa la jeune fille qui accéléra le pas dans le couloir étroit et gelé. Plus vite elle s'en irait, mieux elle se sentirait ! Toutefois elle devait en avoir le cœur net, elle devait savoir, comment lui en vouloir ? Elle ne savait pas vivre dans l'ignorance.

Elle poussa la lourde porte blanche, la même lors de sa première visite dans cette morgue triste, la même où avait été entreposé le corps de Maxwell Walter avant qu'il ne s'évanouisse dans un souffle. La même qui conservait précieusement le corps des victimes de Jack l'Éventreur...

Quand la jeune fille referma la porte dans son dos, le souffle sembla lui manquer. Un murmure glacé s'insinua en elle, son cœur se glaça, avait-il cessé de battre lui aussi ? Jane ne sut combien de temps elle resta là, à contempler la table recouverte d'un drap blanc. Elle ignorait comment respirer, et ne sut combien de temps il lui fallut pour qu'un peu d'air s'engouffre dans ses poumons, l'aidant à se décoller de la porte qui la soutenait.

Elle s'avança lentement vers la table, ne sachant ce qu'elle allait y trouver, mais elle mettait un pied devant l'autre. C'était comme si une force invisible la poussait encore et toujours vers cette maudite table. Et il lui sembla que l'éternité venait de s'écouler lorsque ses doigts frôlèrent le drap opalescent. À son contact elle frissonna, peut-être venait-elle de se changer en statue de glace pour l'éternité. Ses doigts tremblèrent, mais elle serra fermement le drap dans ses mains et une boule se forma dans sa gorge.

Dans le silence pesant, son soupir vint briser la mélopée des morts. Alors, pour éviter que son être entier ne se brise, elle ferma les yeux quand ses mains curieuses soulevèrent le drap.

Lorsqu'elle les rouvrit, la terre s'écroula, son ciel explosa et le volcan dans son cœur mourut dans un torrent d'épines et de cendres.

Aucun son ne sortit de sa bouche, aucune larme ne coula, mais tout son être criait à l'aide dans un cri déchirant quand son regard se posa sur le corps sans vie de William O'Brien.

Son visage qui lui avait inspiré tant de voyages sur les océans était désormais figé pour toujours dans un pâle reflet de satin gris. Les ténèbres lumineuses de ses cheveux s'étaient éteintes, ternes et brumeuses comme les eaux du Styx. Ses paupières demeuraient éternellement closes désormais, et le bleu onirique de ses yeux n'était plus qu'un doux rêve pour ceux qui avaient été charmés par cette sorcellerie dont lui seul avait eu le secret.

Les Chroniques Infernales- Le réveil du LéviathanOù les histoires vivent. Découvrez maintenant