Craquement

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Une ville de l'Ohio. Une rue, parmi tant d'autres dans cette ville. Une maison, isolée, dans la ville.

Le bruit des branches, mortes, qui se balancent avec le vent. La noirceur extérieure qui entoure la maison et donne aux lieu un aspect sinistre. Les herbes hautes qui se déploient comme des virus, s'entremêlant. Les épines des roses, dont la forme rappelle celles des pointes de fuseau. Un puit en pierre, sans fond, qui disparait sous le lierre. Lierre qui grignote petit à petit l'espace. Une balancelle rouillée qui se balance encore et donc le grincement résonne dans le silence. Seule. Une chaine, à la couleur de chair brulée, vestige d'une présence animal. Un chien, qui n'a laisser, comme preuve de sa présence, qu'un os à moitié ronger. Une allée entravée de ronce qui mène vers une bâtisse à l'allure bancale. Une ruine.

Le craquement singulier d'un plancher vieilli par les années. Le grincement d'une porte qui bouge au rythme lent des courants d'air qui s'infiltrent entre les murs. Le verre éparpillé au sol comme une nuée d'étoile dans le ciel. Les vitres brisées, semblables à des lames de rasoir affutée. Les fissures s'étalant sur les murs comme des veines dans le corps. L'odeur de renfermé, qui donne la nausée. Le silence, assourdissant, oppressant, étouffant. Le noir, qui vous fait frissonner, envoutant, hypnotisant, aspirant jusqu'à votre plus petite part d'âme Les vestiges de cires sur les meubles. Des taches. Les trous dans le sol. Des appels au néant. Et puis le gris. Le gris délavé, troué, d'une vie passée qui avait, autrefois, habitée ces lieux.

Un courant passant. Le froid d'une présence. Glaçante. Les cris des fantômes passés, qui traverse devant vous. Aigue. L'odeur d'un plat qui mijote sur le feu et dont les effluves, douces, vous bercent. Amer. Le bruit de l'eau qui coule, rappelant la présence d'une fontaine dans la pièce voisine. Violente. Le son de la pluie sur les quelques tuiles qu'il reste et que les vents violent non pas pris la peine d'emporter sur leur passage. Piquante.

Et là, posée sur le rebord d'une ancienne cheminée, que l'on devine à peine, une photo. Une photo, mangée par le temps. Papier vieilli à l'aspect jaunâtre. Deux sourires. Heureux, qui dénotent avec l'ambiance sinistre de cette maison et que des mains sorties tout droit des enfers, prennent en otage. Des yeux pétillants. Seule lumière de ce néant. Luciole dans nuit d'une ancienne joie de vivre. Des regards pures, brûlant d'amour. Eteint.

A leur côté, comme un marqueur de temps, une horloge dont le verre protecteur est noirci. Deux aiguilles, paralysées, indiquant toujours la même heure, la leur. 15 heures 26. Heure insignifiante pour vous, mais importante pour eux. Une heure figée, là, depuis maintenant vingt ans. Une heure qui, au fils des années, à perdu en lumière. Une heure qui marque la fin.

La fin d'un chapitre, dans un des vieux livres posés sur une des étagères de la bibliothèque. Livre qui aujourd'hui est mangé par les mites. La fin d'une fleur, fanée que le temps à séché, posée là comme un fossile sur la table basse, cassée. La fin des cris, emprisonnés dans les murs. La fin des odeurs qui imprègnent encore les tapis et les rideaux en lambeaux. La fin, juste la fin.

La fin d'un amour. D'une vie à deux bercée par les enquêtes et les chasses. La fin d'un combat contre le noir. La fin d'un ange. La fin d'un chasseur. La fin de deux hommes.

Et derrière la maison, comme deux icebergs qui luttent pour rester entier. Deux pierre tombales, recouvertes de lierre et étrangement décorées de deux roses rouges. Points de couleur dont la beauté laisse un semblant d'espoir. Roses déposées par un homme.

Ce même homme qui, en ce moment même, quitte les lieux. Les mains dans les poches et la tête baissée, avec pour seule pensée, une prière. Mots silencieux, formés par votre conscience et qui montent vers les cieux.

Jusqu'à eux. 

OS DestielOù les histoires vivent. Découvrez maintenant