205 ~ Sylath

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Sylath ne compte pas insister. Ilashan doit faire ses choix et le vampire ne veut surtout pas lui forcer la main. Contrairement à ce que craint l'humain, il n'a justement pas l'intention de décider à sa place, et pour cette raison, il ne cherche pas à le convaincre. Le mercenaire a le droit de considérer que c'est impensable, ou trop dangereux, ou déplaisant de lui faire confiance.

Il se contente de le laisser parler et formuler ses doutes, sans l'interrompre. Et il s'apprête même à lui proposer de sortir échanger quelques passes d'armes dans la salle d'entraînement, quand Ilashan le surprend à nouveau. Au dernier moment, comme toujours, quand il croit qu'il est trop difficile de l'atteindre, il baisse un peu sa garde et le prend au dépourvu.

Cette requête est aussi inattendue que déroutante, et pendant plusieurs longues secondes, Sylath ne réagit pas. Il n'y croit pas vraiment, pour commencer, puis quand il s'avère qu'Ilashan est sérieux — parce qu'Ilashan est toujours sérieux, surtout quand il s'agit de sujets aussi sensibles — il se rend compte qu'il a tant de fois eu envie du mercenaire qu'il ne sait même pas ce qu'il voudrait lui faire...

Et puis l'idée vient d'elle-même. Il ne s'agit pas de ce qu'il a envie de lui faire, mais de ce qu'Ilashan craint de ressentir, ou pourrait éprouver. C'est un instant décisif. C'est précieux ce qu'il lui offre, très précieux. Si le vampire ne fait pas très attention à ce que l'humain vient de placer entre ses mains, il pourrait le briser cette fois.

Alors lentement, Sylath se penche vers Ilashan et ramasse la serviette derrière lui. Ce geste les rapproche beaucoup mais le vampire n'échange avec lui rien de plus qu'un regard. Il s'écarte à nouveau et d'un petit coup de crocs précis, il fait un trou dans la serviette, puis il tire sur le tissu et le déchire sur sa longueur. Il en récupère une longue bande et l'approche du visage de l'humain.

— Ça pourrait être comme ça, dit-il.

Et avec des gestes lents, pour ne pas être menaçant, il noue délicatement le bandeau autour des yeux d'Ilashan. Le regard acéré disparaît et Sylath lui laisse un instant pour s'adapter à la perte de la vue et reporter sa concentration sur ses autres sens.

Il ne parle plus, ce qu'il veut lui montrer est au-delà des mots, mais il ralentit encore chaque geste pour ne pas surprendre le mercenaire. Il pose d'abord les mains sur ses poignets. Des pouces, il effleure l'intérieur des poignets, où la peau est plus fine et plus sensible. Il sent pulser le sang dans le réseau de petites veines. Et il a toujours soif, mais rien n'est plus important à cet instant que de créer un lien de confiance avec le mercenaire.

Ses mains remontent ensuite le long des bras d'Ilashan, il ne perd pas le contact entre deux touchers, mais ses doigts sont légers sur l'humain. Il atteint les épaules et sa main droite redescend sur le cœur où elle se pose pour venir y sentir les battements vigoureux, tandis que de l'autre main, l'immortel caresse délicatement la gorge.

Ilashan a la peau douce et chaude et Sylath se rappelle parfaitement de la sensation de ses crocs s'enfonçant dans sa chair, juste là, à l'endroit où la peau est si fine et où le sang et si proche. Et très doucement, il se penche vers l'humain et dépose un baiser sur sa gorge.

Sa main remonte et les doigts se perdent dans les cheveux encore humides, soyeux, qui se parent de reflets d'ambre roux devant les flammes. Du pouce, il caresse une pommette, redessine l'aile du nez, et descend sur les lèvres dont il survole les reliefs en les touchant à peine.

Il se redresse un peu et son souffle vient se perdre près de l'oreille d'Ilashan, où la proximité, déjà, semble un secret qu'on partage. Ses lèvres effleurent le lobe, puis se détachent après une dernière lente expiration qui soulève les cheveux fins à la base de sa nuque.

Sylath laisse un instant passer. Ce silence vaut plus que leurs longues argumentations stériles. Là où l'immortel veut l'emmener, il n'y a pas d'arguments à donner, il n'y a rien à prouver, et qu'Ilashan accepte ou refuse, il n'aura pas besoin non plus de s'expliquer. Ce genre d'échange ne s'embarrasse pas de mots.

Le vampire se glisse dans le dos du jeune homme, en restant toujours proche, pour ne pas le surprendre. Il pose une main sur sa nuque, et la dégage délicatement des fins cheveux courts. Puis il se penche, embrasse d'abord la peau pâle, avant de presser ses crocs, tout doucement contre sa nuque. Son autre main n'a pas quitté le cœur d'Ilashan. Et tandis qu'il s'écarte de sa peau sans y avoir laissé la moindre trace, il descend sa main le long de son torse, toujours très légèrement, parce qu'Ilashan n'est pas familier des contacts physiques, et le couvrir de longues caresses appuyées et d'étreintes envahissantes serait le meilleur moyen de le mettre mal à l'aise.

Lorsque ses doigts atteignent le ventre du mercenaire, où sous le tissu, il sent la peau irradier d'une chaleur délicieuse, Sylath s'arrête un instant, sans bouger, juste pour percevoir les contours de ces muscles. Ilashan a un corps d'homme, taillé dans la douleur et l'effort, fait pour tout affronter, et qui pourtant craint le plaisir.

Puis Sylath retire sa main et s'écarte un peu. Cet instant n'était pas sexuel, il ne s'agissait pas non plus de se nourrir, il était juste tendre, et un peu intime, et même si le vampire doute que quelques caresses devant une cheminée suffisent à faire fondre les murailles de glace autour du cœur de l'humain, il espère qu'il aura au moins senti qu'il pouvait être vulnérable sans être en danger.

L'immortel retire le bandeau des yeux d'Ilashan. Il a fait exprès de se placer derrière lui, pour lui laisser cette intimité-là de ne pas avoir à croiser trop vite son regard.

— Était-ce insupportable ? demande-t-il à voix basse.

Ce n'est pas une question rhétorique, et sa voix d'ailleurs, trahit un peu son appréhension.

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant