231 ~ Sylath

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Ilashan décline l'offre du vampire et Sylath le laisse libre d'organiser sa nuit. Après tout, c'est justement cela qu'il lui a reproché quelques heures plus tôt dans la neige : le sentiment d'être surveillé et infantilisé.

Le vampire fait d'abord un détour par le laboratoire d'Auria. C'est une femme pâle, même pour une vampire, aux longues robes aubergine, un stylet de bois maintient ses cheveux de charbon. Auria n'a jamais eu de calice. Elle ne goûte pas aux plaisirs de la chair, elle ne boit pas le sang des humains à même la peau, mais dans un verre, proprement, après l'avoir prélevé sans verser une goutte superflue. C'est une personne froide, intelligente, observatrice, et très difficile à cerner.

Mais Sylath a eu des siècles pour s'y habituer et une fois dans son laboratoire, il attend dans un coin, en silence, qu'elle prenne conscience de sa présence.

— C'est pour un humain ?... Bien sûr que c'est pour un humain, dit-elle en répondant elle-même à sa question. Un humain particulier.

Le vampire sourit.

— Particulier ? Pourquoi particulier ?

— Tu te déplaces rarement toi-même pour ce genre de demandes... Qu'est-ce qu'il te faut ?

— Une potion de reconstruction sanguine.

— Mh mh.

Elle se lève, ouvre un coffre et en sort une fiole rouge.

— T'es-tu rendu dans mes sous-sols cette année ?

— Oui, pourquoi ?

— L'eau n'arrive pas avec la pression habituelle, cela rend certaines de mes expérimentations difficiles.

Elle donne la fiole à Sylath qui manipule le bel objet en songeant à Ilashan. C'est une potion que l'on donne habituellement aux calices, ils doivent refaire leur sang plus vite parce qu'on leur en prend plus souvent qu'aux novices. Mais Ilashan n'est pas un calice et le vampire a le sentiment de tenir un paradoxe étrange dans sa main.

— Peut-être que les vignes des profondeurs ont déjà réinvesti notre réseau, dit l'immortel en sortant de ses pensées. Ou alors une très longue liane m'a échappé et s'est faufilée jusqu'à une canalisation plus étroite, cela suffirait à réduire le débit d'eau.

La dernière fois qu'il est descendu, c'était avec Ilashan et ils ont dû remonter précipitamment. Peut-être que quelque chose leur a échappé ?

— J'y retournerai avant la fin de l'hiver pour voir ce que j'ai pu oublier. Merci pour la potion Auria.

La vampire se remet sans répondre à son travail et Sylath quitte le laboratoire pour rejoindre ses pairs dans le grand dortoir. Les projets de travaux avancent bien et pourront commencer plus tôt que prévu, ce qui est une satisfaction pour tout le monde. Les humains investis dans ce projet louent le Veilleur, et Sylath quitte le groupe avec le sourire.

Il passe ensuite par la bibliothèque où il demande un vieux plan des étages de l'aile Nord, pour chercher les murs porteurs. Certains endroits de la forteresse ne pourront pas être rénovés tout de suite, mais la population grandit bien, et il serait bon d'anticiper les rénovations sur plusieurs années.

Boréa l'emmène dans les archives où ils passent presque une heure à chercher les vieilles cartes. Ils les trouvent enfin et Sylath les emporte pour les étudier dans ses appartements.

Quand il arrive, la pièce est délicieusement tiède, sa peau réchauffée par le sang d'Ilashan est plus sensible aux variations de température et il apprécie la douceur de l'air. La porte de la chambre du mercenaire est entrouverte et le vampire sourit quand il le découvre lui aussi penché sur des cartes.

Il pose ses plans sur une commode, toque à la porte et s'approche du lit.

— Tu étudies la route pour rentrer chez toi ?

Sylath s'installe près de lui et inspire une bouffée de son odeur, croise son regard et dépose un baiser intime sur sa joue, tout près de son oreille, en effleurant son visage du sien.

— Montre-moi, où est-ce exactement ? demande-t-il d'une voix neutre pour cacher son appréhension en songeant à la distance qui va les séparer.

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant