L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neige

200 ~ Ilashan

Ilashan ressent un soulagement étrange lorsque Sylath accepte son offre. Il n'aurait pas su comment réagir si sa proposition avait mal été interprétée, encore plus après ce qu'il vient de se passer dehors, dans la neige. Il a presque l'impression que c'est lui qui doit maintenant agir avec prudence pour prouver sa bonne foi au vampire.

Parce qu'il lui fait confiance. Il sait que Sylath ne tentera pas d'abuser de sa position, pas après tout ce qu'il a fait pour le convaincre. Alors c'est à son tour de se montrer à la hauteur de cette ébauche de relation.

Mais il est plus soulagé encore lorsque le vampire s'éloigne, et qu'il se retrouve enfin seul dans la chambre déserte. Il lui faut quelques secondes pour reprendre la maîtrise de son souffle, adossé contre le panneau de la porte, les entrailles en ébullition.

Il se sent comme le jour où il a accepté de porter le manteau du Veilleur. Mais cette fois au moins, il n'aura à se dévoiler que dans l'intimité. Et puis, ce n'est qu'une morsure, juste quelques gouttes de son sang, un peu de proximité. Cela ne durera pas plus de quelques minutes. Des minutes qu'il redoute déjà, sachant dans quel état de trouble elles vont le laisser, mais il a connu bien pire au cours de sa vie pour se montrer réfractaire à quelque chose d'aussi simple.

Il ne manquerait plus que Sylath le prenne pour une petite chose délicate qui s'effarouche pour un rien. Ce serait vraiment un comble.

Dans sa propre chambre, Ilashan retire ses vêtements pour les faire sécher, et s'emmitoufle lui-même dans une épaisse couverture pour réchauffer progressivement son corps. Aucune de ses extrémités ne semble avoir souffert, mais il se passe quand même un peu de cet onguent que lui avait donné Sylath à son arrivée.

Il ne lui faut pas longtemps pour entendre des pas traverser la pièce voisine. Sûrement les novices qui portent de l'eau chaude et de quoi manger. Le temps qu'Ilashan se rende décent, les humains sont déjà repartis, et il récupère le plateau chargé de nourriture pour aller le manger non loin de la chaleur des flammes.

La soupe le réchauffe de l'intérieur aussi sûrement que la douceur de la pièce fait remonter la température de son corps. Pourtant, curieusement, il n'a pas vraiment l'impression d'avoir souffert du froid. Pas autant qu'il a déjà pu en souffrir dans ces mêmes lieux.

Il était sorti préparé, ne s'est pas égaré en plein blizzard, et n'a pas subi de plongeon forcé dans un lac souterrain. Et puis...

Pensif, son regard s'attarde sur ses vêtements en train de sécher. Il n'a qu'à tendre la main pour fouiller dans l'une de ses poches et en extraire la chaîne de son médaillon.

Le pendentif luit à la lumière de l'âtre, tournant doucement au bout de son lien alors qu'Ilashan l'observe, à hauteur de ses yeux. C'est presque machinalement qu'il le remet autour de son cou, mais le métal lui paraît froid contre sa peau nue. Comme il l'a toujours été.

Avec un soupir, Ilashan finit par empiler la vaisselle vide pour aller se glisser dans la baignoire.

Et c'est un véritable délice.

Il en soupirerait d'extase tellement c'est agréable de s'immerger dans l'eau chaude. Il y plonge tout entier, savourant cette sensation apaisante, qui amoindrit presque aussitôt l'appréhension qui remontait en lui à l'idée d'offrir son sang à Sylath.

Après cette longue marche dans la neige, ce bain lui fait un bien fou, et il pourrait presque s'y endormir. Il a l'impression de flotter sur un nuage, emporté vers un endroit où plus rien ne pourrait l'atteindre. La tête basculée en arrière, il ferme les yeux et somnole quelques instants, sans vraiment pourtant sombrer dans le sommeil.

Ilashan est encore dans le baquet lorsqu'il entend la porte s'ouvrir à nouveau. Ses muscles se tendent par réflexe, pour ne pas se laisser surprendre dans une position vulnérable, mais il reconnaît vite les pas calmes de Sylath.

Toutefois, il est presque certain que le vampire ne va pas tarder à entrer pour voir comment il va. Aussi, il saisit une serviette pour quitter la baignoire. S'occuper les mains l'aide à éviter de penser à ce qu'il a promis de donner. Ilashan se frictionne vigoureusement les cheveux avant d'enfiler des vêtements propres, sentant la fébrilité se répandre en lui au rythme des battements de plus en plus précipités de son cœur.

Mais il ne reviendra pas sur sa proposition.