L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neige

218 ~ Ilashan

           

Les paroles évasives du vampire le laissent pensif durant un long moment. C'est assez étrange de le voir avouer aussi simplement son ignorance sur un sujet, et ses hypothèses sont loin de satisfaire Ilashan.

D'autant plus qu'il n'a pas l'habitude de voir Sylath aussi... aussi démuni. Comme si tout ce qu'il gardait enfoui derrière ses yeux de glace avait soudain rejailli, le laissant confus et à fleur de peau.

C'est plutôt agréable, pour une fois, de ne pas être le seul qui ne sait pas vraiment ce qu'il lui arrive.

La façon qu'a Sylath de décrire les effets de la morsure lui rappelle plutôt la toute première fois où le vampire l'a mordu. Peut-être que l'alcool, qui engourdi les muscles et émousse les réflexes, l'avait empêché de ressentir les choses aussi intensément ? Mais Ilashan n'avait pas eu l'impression que Sylath ait traversé la même tempête que celle qu'il semble avoir éprouvé tout à l'heure.

Il ne le quitte pas des yeux, songeur, restant silencieux pour mieux prendre le temps de réfléchir à ses mots, frémissant malgré lui lorsqu'il en comprend le sens.

Les doigts tièdes contre son bas-ventre le tirent brusquement de ses réflexions.

Sa première réaction est de vouloir refuser, son orgueil se cabrant comme un cheval effrayé. Son instinct de survie devrait lui hurler de s'écarter, de se remettre debout sur ses jambes et de quitter cette pièce avant de commettre quelque chose qu'il pourrait regretter. Ce n'est jamais bon de se laisser aveugler par le désir.

Mais plutôt que de la peur, c'est une colère inattendue qui déferle en lui.

— Ah non.

Son ton est aussi sec que furieux. Ilashan se hisse sur les coudes pour grimper à califourchon sur Sylath. Il resserre ses genoux autour de ses hanches et plaque ses mains de part et d'autre du visage du vampire pour le foudroyer du regard, les yeux plus ardents que le feu qui brûle dans la cheminée.

Il fait volontairement peser le poids de son propre corps sur le bas-ventre de Sylath, faisant taire les sensations à double-tranchant qui couvent encore dans son aine.

— Vous n'allez pas me faire croire que c'est juste à cause de mon désir que vous êtes excité aussi.

La colère se mêle à l'excitation, accélère sa respiration. Le vampire ne pourra pas lui faire avaler ça, pas après tout ce qu'il vient de voir et de ressentir.

Ilashan se redresse très légèrement, tenté de glisser les doigts dans les cheveux brillants du vampire, étalés autour de son visage. Au lieu de cela, il tire sur la tunique de Sylath pour la remonter jusqu'à son nombril et pose les mains à plat sur les muscles fermes de son ventre, se gorgeant de la chaleur nouvelle de sa peau. C'est grisant de sentir le vampire sous lui, entre ses jambes. De pouvoir contempler son visage à la chaleur des flammes sans éprouver de la peur ou de la méfiance. Ça le rend même dangereusement sûr de lui, lui qui a toujours essayé de faire passer la prudence avant le reste.

— Je vous ai vu. Je vous ai... senti contre moi. Ça ne peut pas être juste à cause de mon sang.

Qu'ont pu vouloir dire ses regards pénétrants, sa façon de le tenir contre lui, si ce n'était pas du désir charnel ? Est-ce que Sylath serait resté indifférent si la morsure n'avait pas mis l'humain dans un tel état d'excitation ? Ilashan refuse d'y croire. Cela équivaudrait à nier tout le plaisir qu'il l'a vu ressentir.

Sa propre frustration le rend aussi irrité que confus. Ou bien peut-être qu'il s'agit d'un soubresaut de son amour propre ? Mais il ne peut pas accepter cette façon de lui proposer la chose, qui lui donne l'impression d'être l'unique responsable de cette envie qui les ronge tous les deux.

— Je n'ai pas besoin de boire le vôtre pour savoir que vous avez aussi besoin que moi d'être soulagé.

Ilashan ressent le besoin irrépressible de le vérifier sur le champ. Et, armé de sa volonté farouche autant que de sa colère, il se recule très légèrement pour mieux s'attaquer à défaire les liens du pantalon de Sylath.