Ilashan va s'asseoir près de la cheminée en emportant le plateau, encore trop absorbé par ce que Sylath lui a révélé sur les plantes pour vraiment faire attention au jeune humain. Cette mission l'enchante de moins en moins ; mais si les plantes le prennent pour l'un des leurs et ne tentent plus de l'attaquer, elles ne chercheront plus à l'attraper par surprise pour le noyer dans les profondeurs.
Le novice et le vampire échangent quelques mots, qu'Ilashan n'écoute que d'une oreille. Mais il voit bien, en les fixant du coin de l'oeil, ce qui se joue sans son dos. Ce qui aurait pu se jouer.
Il ne dit rien cependant, et se contente de se sécher devant les flammes pour mieux passer l'onguent médicinal sur les bleus en train d'apparaître.
Lorsque Sylath s'active derrière lui, il ne peut s'empêcher de l'observer à la dérobée.
Il comprend très bien, à vrai dire, ce qu'a pu ressentir ce jeune homme en entrant ici et en découvrant Sylath nu.
Que peut représenter la protection d'un vampire, dans un lieu tel que celui-ci ? L'affection d'un immortel, pour un esclave condamné à ne connaître que le froid et à fréquenter les mêmes pairs jusqu'à la fin de ses jours ? Sans seulement parler des avantages matériels dont il jouit lui-même allègrement.
Et puis, il y a Sylath. Aussi puissant que désirable. Ilashan doit à nouveau se forcer à arracher les yeux de son corps nu, rattrapé par des souvenirs de la veille.
Même humain, il aurait représenté une dangereuse menace de séduction pour bon nombre de personnes. Alors pour un simple mortel, qui ne cherche probablement qu'à s'abandonner dans une confortable sécurité, auprès d'un maître attentionné...
Il est facile de voir ce que ce jeune homme doit voir en Sylath, tout ce qu'il doit convoiter chez lui. Sa douceur apparente, son calme redoutable, sa froide autorité et sa fermeté à toute épreuve. Devenir son protégé serait sûrement un honneur inespéré pour un jeune novice de la forteresse ; la promesse d'une vie faite de plaisir et d'affection.
Ilashan rebouche un peu trop fermement le pot d'onguent avant d'attaquer son repas.
Il ne veut pas d'une telle existence.
Il en est d'autant plus convaincu en observant Sylath se préparer. Un frisson traverse son échine, comme à chaque fois qu'il le voit en tenue légère et non dans ses atours de prêtre. Ces vêtements lui rappellent à chaque fois quel prédateur, quel homme il est vraiment quand il cesse de faire preuve de patience.
Même si Ilashan ne le craint plus autant qu'avant, Sylath n'en reste pas moins menaçant.
Ses compliments n'en ont que plus de poids, et Ilashan courbe la nuque en entendant le vampire prendre sa défense face à sa congénère, entrée à la volée.
"Ce n'est pas mon humain"...
Les mots le troublent étrangement. Ils sont certainement les deux seuls ici à ne pas penser cela, et c'est étrangement agréable d'entendre Sylath dire à voix haute qu'il ne le considère pas comme une possession.
Ce qui ne l'empêche de lui jeter un regard suspicieux, lorsqu'il vient s'installer près de lui.
— J'ai l'impression que tout ce qu'il se passe cette nuit n'est qu'un prétexte pour que vous ayez l'occasion de me toucher.
Son ton est pourtant plus sarcastique que contrarié, comme une maladroite tentative de plaisanter. Il sait très bien que Sylath n'a pas besoin de telles manœuvres pour obtenir ce genre de choses, encore moins d'impliquer ses congénères. Le parfum qui émane de la fiole est si fort qu'il atteint déjà ses narines, et lui fait écarquiller les yeux.
Déposant son plateau vide, il cueille doucement le récipient des doigts du vampire pour en humer plus intensément le contenu.
— C'est drôle, dit-il après un petit instant. Ce parfum... ça me rappelle mon pays.
L'odeur est sucrée, un peu entêtante, sans être désagréable. Il ne peut pas se tromper. Identique à l'odeur des lotions de plaisir employées dans les bordels.
Ilashan contient difficilement une grimace. Se pourrait-il que les lianes des souterrains aient de lointaines cousines dans son sud natal, dont seraient extraits les mêmes sucs ? Les effets décrits par Auria laissent peu de doute, tant ils sont semblables.
Ilashan est tout à coup beaucoup moins rassuré par cette maigre protection. Il n'a aucune envie de risquer une nouvelle noyade dans les eaux sombres du lac, le corps enflammé par il ne sait quelle mixture étrange.
Mais il s'en verse quand même un peu sur les paumes pour commencer à s'en frotter sur la peau.
— Je ne pense pas avoir énormément besoin d'aide. Il n'y a pas beaucoup d'endroits que je ne peux pas atteindre seul, dit-il sur un ton un rien narquois.
Il pivote afin de tourner le dos à Sylath, déposant la fiole entre eux pour le laisser l'attraper. Cet instant d'intimité lui coûte un peu, malgré toutes ses résolutions et ce qu'il s'est déjà produit entre eux ; cela doit se lire dans la tension de ses épaules.
D'autant plus que cela lui donne la très désagréable l'impression de se préparer pour une passe dans une maison de plaisir plutôt que pour une dangereuse mission souterraine.
Ilashan étale consciencieusement le suc sur ses bras et ses mains, avant de l'appliquer sur son torse. La substance est relativement liquide mais semble pénétrer facilement sa peau, si bien qu'il laisse son esprit préoccupé vagabonder, sans songer à le retenir.
— Si vous aviez gardé ce novice, au lieu d'un mercenaire qui vous brise les noix, vous n'auriez peut-être pas pu l'emmener avec vous dans les caves, mais vous auriez pu passer vos journées à l'enduire de tout un tas de choses.
VOUS LISEZ
L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neige
VampirgeschichtenPartie 2 de l'Astre et le Veilleur - Tome 1 : La forteresse de neige Le mercenaire Ilashan a été sauvé d'une tempête par le mystérieux Sylath, qui l'a conduit à l'abri dans une forteresse isolée, peuplée de vampires et de leurs esclaves humains. Le...