238 ~ Ilashan

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À voir l'air si calme de Sylath, Ilashan ne s'attendait pas à ce qu'il ait une telle réaction après son récit, et se retrouve soudain prisonnier d'une étreinte qu'il n'a même pas le temps de voir venir.

Le vampire le serre contre lui d'une telle façon qu'il n'a pas du tout envie de s'écarter. Il y a un tel mélange de sentiments dans ses gestes qu'il ne sait pas quoi en penser. Et serait bien incapable de les nommer. Est-ce que c'est de la tendresse ? De la compassion ? Autre chose ? Il n'en sait rien.

Il n'a pratiquement jamais connu ce genre de débordement d'émotion. Sylath doit avoir remarqué depuis longtemps qu'il n'était pas familier des gestes tendres et des marques d'affection. Le vampire en sait désormais la raison.

Son baiser est aussi intense que déroutant. Ilashan ne s'y dérobe pas, trop perturbé pour le refuser. Trop bien, aussi, dans la chaleur de ses bras et de cette étreinte possessive. Il appuie ses bras sur les épaules de Sylath, les yeux fermés pour accueillir ses lèvres contre les siennes. Elles n'ont plus autant le goût du sang qu'avant.

La proximité physique lui est plus que familière quand elle a un rapport avec la violence ou le sexe. Mais il n'y a ni l'un ni l'autre dans la façon qu'à Sylath de le serrer contre son corps puissant.

La respiration légèrement plus rapide, et les jambes passées par-dessus celles du vampire, Ilashan tarde à reprendre le fil de ses pensées. La paume de Sylath est encore tiède contre sa peau, qui frémit à son contact. Son cuir chevelu sensible fourmille encore de frissons agréables. Les cheveux du vampire pèsent contre ses propres doigts, qu'il a posé tout près de sa nuque.

Il a l'impression étrange que le précipice qui les sépare n'est plus aussi large qu'avant, après tout ce qu'il vient de se passer.

— Je vous l'ai déjà dit, je ne suis pas en verre, dit-il dans un haussement d'épaule.

Il en faut plus que cela pour le briser.

Sa question, en revanche, le perturbe profondément. On ne la lui avait encore jamais posée. Ilashan n'a pas l'habitude des caresses désintéressées, des baisers chastes, ou du simple fait que quelqu'un puisse s'intéresser à ce point à sa personne. Il a été si longtemps privé de toutes ces choses qu'il n'aurait jamais cru les connaître un jour, même de façon aussi brève.

Il s'est déjà interrogé à propos du bonheur. Pour lui, cela se résumait surtout à un verre de bière devant un feu de cheminée, entouré d'amis, ou bien la sensation du soleil sur sa peau et du sable chaud sous ses pieds, les oreilles remplies par le bruit des vagues. La douceur d'un lit moelleux et confortable alors que la pluie tape contre les carreaux.

Mais il a le sentiment qu'à travers sa question, Sylath ne parlait pas de ces petites satisfactions simples. Plutôt de quelque chose de plus vaste, de plus durable, qu'il peine à discerner véritablement.

Sa vie lui convient. Mais il n'en a jamais connu d'autres.

— Je ne sais pas. Je crois... que ça dépend des situations. Vous êtes heureux, vous ?

Il l'observe avec autant de curiosité que de doute au fond du regard. La sécurité d'un toit et l'affection de toute une communauté doivent certainement s'approcher du bonheur, pour beaucoup de gens. Mais cela signifie aussi renoncer à tellement de chose, qu'il peine à croire que l'on puisse vivre toute l'éternité en se contentant de si peu.

— Cette vie d'aventures, vous pourriez l'avoir. Aucune armée humaine ne pourrait vous retenir si vous décidiez de conquérir le monde. Il vous suffirait de frapper de nuit. Personne ne vous verrait venir.

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant