Entre ses années d'enfance auprès des religieuses, et toutes celles passées à travailler pour la noblesse, Ilashan a appris à tenir sa langue pour s'éviter des ennuis. S'il n'applique pas toujours ce principe en compagnie de Sylath, il s'efforce de le mettre en pratique en présence des autres immortels.
Et ne répond à Hilvar que par un regard farouche.
Il le regrette aussitôt. C'est précisément le genre d'attitudes qui doivent plaire à ce genre d'homme –qu'on lui tienne tête et qu'on se révolte, pour qu'il puisse mieux asseoir sa domination. Les yeux du vampire pétillent un instant, avant d'être forcés de se détourner de lui.
Ilashan n'a pas décroché la mâchoire depuis qu'ils ont quitté la chambre, trop préoccupé pour répondre à Sylath autrement que par des signes de tête. Resté en retrait tandis que les immortels conversent, il tarde à prendre la parole, plongé dans ses propres pensées.
— Nous devions aller jusqu'à Mornemur, dit-il en redressant le menton. Les gens du coin le considèrent comme le dernier refuge avant l'inconnu. Il y a du bois, des murs solides et de quoi se nourrir, à condition de savoir chasser. Les anciens espéraient que certains disparus aient réussi à s'y cacher, pour échapper à des loups, ou... autre chose.
Le regard de Boréa se plisse, visiblement contrariée par cette information.
— Les disparus ? Ils cherchent encore à retrouver les humains qui ont rejoint la protection du Veilleur ?
— Non, je ne crois pas, répond Ilashan. Le seigneur de Hauteforge avait à peine de quoi nous payer, et les candidats ne se bousculaient pas vraiment.
Ses propres compagnons n'auraient pas accepté cette mission s'ils n'avaient pas eu d'autres motivations que l'argent. Mais il se garde bien de s'étaler là-dessus ; les regards conjugués des trois immortels pèsent bien trop lourd sur ses épaules, et cela n'a de toute façon rien à voir avec leurs affaires. Les conflits politiques qui secouent le monde des hommes doivent être bien loin de leurs préoccupations.
— Personne ne s'aventurerait aussi loin dans le nord sans espérer une grande compensation financière. À moins d'être vraiment désespéré.
Il a ajouté ces derniers mots du bout des lèvres. Le seigneur de Hauteforge ne peut pas avoir financé d'autres mercenaires, et il ne peut pas s'agir de simples voyageurs perdus. Encore moins d'une équipe de sauveteurs motivés par l'altruisme. Pour venir se perdre au milieu de ces montagnes, il faut soit rechercher quelque chose d'infiniment précieux, soit fuir un danger bien plus terrifiant que la faim et le gel.
À vrai dire, il n'a aucune idée de qui peuvent être ces étrangers. Mais leur simple présence réveille en lui un profond sentiment d'empathie. Il serait mort si Sylath n'avait pas éprouvé le besoin de le ramener avec lui. Le vampire aurait pu le perdre dans le blizzard et le laisser mourir de froid, ou bien l'achever au beau milieu de la neige pour préserver le secret de la forteresse.
— Alors il ne nous reste qu'à attendre pour savoir ce qu'il en est, répond Boréa d'une voix pensive.
Les deux autres immortels acquiescent en silence.
S'ils représentent la moindre menace, les serviteurs du Veilleur n'hésiteront pas à agir pour éliminer ces inconnus réfugiés au milieu des montagnes. Et que cela lui plaise ou non, Ilashan ne pourra rien y changer.
Il ne l'aurait probablement pas fait, même s'il avait eu un quelconque pouvoir auprès de Sylath ou des autres vampires. Ce n'est pas à lui de juger de ce qui est bon pour les habitants de ces lieux, et les intentions de ces étrangers sont peut-être mauvaises.
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L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neige
UpířiPartie 2 de l'Astre et le Veilleur - Tome 1 : La forteresse de neige Le mercenaire Ilashan a été sauvé d'une tempête par le mystérieux Sylath, qui l'a conduit à l'abri dans une forteresse isolée, peuplée de vampires et de leurs esclaves humains. Le...