206 ~ Ilashan

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Voir Sylath déchirer la serviette avec tant de facilité provoque à Ilashan quelques frissons involontaires, qui continuent de dévaler son échine lorsque la bande de tissu est nouée sur ses yeux.

La gorge sèche, il ne fait pourtant rien pour l'en empêcher, se forçant à ne pas réagir et à maîtriser ses réactions de rejet. Ce n'est pas la première fois qu'il est privé d'une partie de ses sens. Et il sait que le vampire aurait plus à perdre qu'à y gagner s'il en profitait pour le malmener.

Mais Ilashan n'est pas habitué à se laisser volontairement surprendre.

Son souffle se suspend aux gestes du vampire. La fraîcheur de sa peau contre la sienne lui donne la chair de poule, le moindre de ses contacts électrise son épiderme. Rares sont les personnes qui ont pris le temps de le toucher comme ça durant sa courte de vie. Encore moins pour lui caresser le visage de cette façon-là.

Aussi simplement. Sans arrière-pensée.

Pour les autres, il n'a presque toujours été qu'un visiteur de passage, une curiosité séduisante, un objet de convoitise. Il ne peut compter que sur les doigts d'une main les personnes qui se sont comportées avec lui sans ce genre d'a priori.

Son cœur s'emballe lorsque Sylath passe derrière lui, que son souffle se répercute contre sa peau et en fait vibrer la moindre parcelle. Une sensation étrange lui brûle le creux du ventre et de la gorge. Du plaisir, oui, mais pas du plaisir sexuel. Quelque chose de plus brut et de plus primaire, une satisfaction physique aussi pure et innocente que celle qu'il a ressenti en se baignant dans l'eau chaude. Sa nuque est sensible, tout autant que sa gorge, et il ne peut retenir une exclamation étouffée quand les crocs du vampire se pressent sur sa chair sans oser la percer.

Et si ses muscles se contractent quand la paume froide de Sylath se pose sur son torse, c'est par un réflexe de surprise plutôt que par crainte. Le vampire l'a déjà touché de façon plus intime. Des dizaines de mains l'ont déjà pétri, caressé, malmené, pour le soigner, pour le blesser, pour le satisfaire ou pour y prendre du plaisir.

Mais juste pour la curiosité de le découvrir, de lui montrer ce que cela pourrait faire que d'être traité avec confiance et respect... il n'en a pas le souvenir.

Alors quand les doigts de Sylath s'éloignent enfin, Ilashan se surprend à éprouver une pointe de frustration.

Il en a encore le souffle court et le cœur qui bat la chamade. Il ne réalise qu'avec un temps de retard que ses propres mains se sont crispées sur ses chevilles, trahissant la nervosité qui l'agite malgré tout ce que cela a fait naître en lui.

Il lui faut quelques instants pour réunir son courage, avant d'oser répondre à la question un rien hésitante de Sylath.

— Non.

Sa gorge lui paraît tellement sèche que le bruit de sa propre déglutition le surprend. Ce n'est pas simple de réunir ses pensées, et d'essayer de comprendre ce qu'il vient de se produire, ce que Sylath lui propose, ce qu'il attend de lui.

— Mais vous n'allez pas vous contenter... de me bander les yeux pour me toucher jusqu'au printemps.

Ce n'est pas une question, juste un constat. Sylath lui a témoigné assez souvent son désir pour qu'il ait parfaitement conscience de ce qui le ronge, en dépit de sa retenue et de sa prudence infinie à son égard.

Ilashan se tourne brièvement pour lui jeter un regard par-dessus son épaule. Le vampire lui paraît aussi calme que d'habitude, plus solide et immuable qu'une montagne. C'est toujours aussi difficile de déceler ce qu'il peut bien se passer derrière son regard pénétrant.

Et c'est bien ce qui l'effraie.

Ilashan a besoin de savoir. Besoin de l'entendre, de façon crue et concise. Certains prédateurs peuvent se montrer plus que séduisants pour dévorer leurs proies en leur offrant une mort douce et agréable. Il ne doute pas que la chute sera délicieuse après ce que Sylath vient de lui montrer. Mais elle sera aussi vertigineuse, et il lui sera probablement impossible de remonter une fois qu'il verra le sol approcher.

Ou le fouet.

— Qu'est-ce que vous comptez me faire, si je m'abandonne ?

Sa voix a retrouvé un brin de rudesse et de confiance, mais il ne se braque pas pour autant. Il cherche plutôt à distinguer où sont les limites, avant de pouvoir s'en approcher à tâtons.

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant