272 ~ Ilashan

1.8K 228 20
                                    

Les mots de Sylath le troublent, son rire le fait frissonner. Comme à chaque fois, le vampire se confie à lui avec une sincérité qui le déboussole.

Ilashan récupère la bouteille pour en boire une longue gorgée. Il ne répond rien, laisse le craquement du feu meubler les silences de la voix profonde de Sylath.

Ses aveux sont aussi touchants que déstabilisants. C'est toujours étrange d'entendre un homme de foi flancher, encore plus lorsqu'il s'agit d'une personne aussi charismatique que Sylath.

Ilashan observe sans rien dire son visage réchauffé par le feu. À le voir ainsi, il pourrait jurer qu'ils ont le même âge. Pourtant, sa cave remplie de trésors oubliés n'a fait que lui rappeler combien de siècles les séparent. Combien de secrets il ignore sur la vie dans le nord. Et combien de choses le vampire ne connaîtra jamais, isolé dans cette forteresse prisonnière des glaces.

Un frisson chatouille sa nuque et dévale sa colonne vertébrale. Ilashan avale une nouvelle lampée pour faire passer cette sensation inconnue qui serre sa gorge. Il avait d'autres idées en tête en accompagnant Sylath jusqu'ici, et ne s'attendait pas à recueillir des paroles aussi... déroutantes.

L'affection que lui porte le vampire le bouleverse toujours autant. Il a du mal à se faire à l'idée qu'une créature immortelle puisse tenir à lui d'une façon si désintéressée, et se préoccuper à ce point de son bien-être. Surtout après les débuts chaotiques de leur relation.

Sans perturber le silence, il ramène ses genoux vers lui et s'humecte doucement les lèvres.

— Vous pourriez venir avec moi.

Les yeux baissés vers le vampire, il joue avec le goulot de la bouteille. Sa voix est si calme qu'elle le surprend lui-même.

— Votre dieu vous gardera toute l'éternité. Il peut bien se passer de vous un été ou deux. Vous pourriez voir le monde de vos propres yeux.

Il lui tend le flacon, le goût de malt encore sur les lèvres. Il a rarement eu l'occasion de boire quelque chose d'aussi bon, et les circonstances rendraient meilleur n'importe quel breuvage.

— Et puis, le monde des hommes n'est pas si beau. Il y a des choses qui me manquent, c'est vrai, mais je commence à comprendre ceux qui vivent ici. Tout le monde n'a pas envie d'une vie d'errance, surtout quand on a déjà connu le pire.

Ilashan se frotte la nuque, à l'endroit où Sylath l'a mordu quelques nuits plus tôt. Il commence à faire doux dans la pièce, si bien qu'il retire finalement son surcot de laine pour rester en tunique. Une trace bleue marque encore son poignet et il tire machinalement sur sa manche pour la couvrir.

— Les humains aussi peuvent être cruels. Si j'étais arrivé ici plus jeune, j'aurais peut-être aimé... pouvoir trouver la sécurité. Et ne pas vivre certaines choses. Quitte à être jeté en pâture à des lianes lubriques.

Il lui reprend la bouteille pour en engloutir trois longues gorgées, puis s'essuyer la bouche du revers de la main.

— D'ailleurs, pourquoi est-ce qu'on vous appelle le Flagelleur ? Je suis le seul que vous avez fouetté, depuis que je suis ici.

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant