202 ~ Ilashan

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 « Je ne suis pas nerveux. »

C'est ce qu'Ilashan serait tenté de répondre, mais il réalise aussitôt que ce serait mentir. Alors il préfère s'abstenir, et s'installe en tailleur sur le tapis, lui tendant la serviette avec une pointe de mauvaise grâce. Pourtant, les mains sur les chevilles, il se laisse sagement faire. Cela lui donne un peu l'impression d'être un animal qu'on essaye de sécher après une averse, mais ce n'est pas vraiment désagréable. Son cuir chevelu est sensible et les gestes doux de Sylath le feraient presque frissonner.

Il finit pourtant par échapper à son essorage redoutable, en s'ébrouant comme un cheval contrarié.

La serviette coule dans son dos, le long de sa tunique. Il la sent tout contre son pantalon. Tout comme il sent les doigts du vampire qui traînent encore dans ses cheveux.

La nuque légèrement courbée pour lui laisser le champ libre, Ilashan l'observe par en-dessous, sans rien dire.

Sylath a l'air si noble. Si parfait. Il serait tentant de croire chacun des mots qui sortent de sa bouche dangereuse.

L'humain frémit pour de bon et baisse brièvement les yeux sur son propre poignet, que la manche de sa tunique dévoile.

Où il veut... ? Peut-être que ce serait moins intime que de le laisser boire à sa gorge comme l'autre fois. Mais il le verrait faire, sans possibilité de regarder ailleurs, et il ne sait pas trop quel sentiment cela pourrait lui procurer de voir de si près Sylath planter ses crocs dans l'un de ses membres.

Mais la question s'efface lorsque les paroles du vampire le font soudain vaciller.

Ilashan relève les yeux vers lui, la respiration hésitante. Il a l'impression d'avoir du sable coincé dans sa gorge, qui s'est asséchée rien qu'à cette idée.

L'abandon absolu.

— Est-ce que... est-ce que c'est vraiment possible ?

Il s'humecte les lèvres, sans grand succès. Son regard flotte encore entre les crocs de Sylath et ses yeux bien trop clairs, bien trop doux, bien trop... déroutants. Ilashan referme les doigts sur son propre poignet.

— De s'abandonner comme ça. D'aller si loin et... de revenir après.

C'est bien ça qui lui fait le plus peur. Lâcher prise au point de se perdre lui-même. Faire confiance à quelqu'un jusqu'à s'en retrouver brisé, sans possibilité de se reconstruire.

Il est capable de se détendre et de se laisser aller l'espace d'un petit moment. Il a déjà abandonné le contrôle le temps d'une étreinte, ou d'une morsure, dans le cas du vampire. Mais il a l'impression que Sylath parle de quelque chose de plus. D'infiniment plus.

Quelque chose qui lui paraît si inconcevable que c'en est terrifiant.

— Je veux dire... vous l'avez déjà fait ? De vous laisser aller comme ça.

Il a l'impression de sentir son propre pouls ricocher contre la pulpe du doigt de Sylath. En dévalant sa peau, ses mains n'ont fait que rajouter des sensations perturbantes au trouble qui lui agitait déjà l'esprit.

Est-ce que le vampire a déjà connu une telle chose, pour en parler si bien ? Ilashan peine à le croire. Pas dans la position de celui qui s'abandonne. Pas lui, si sûr de son aura, si autoritaire, si débordant de charisme. C'est impossible qu'un homme comme lui ait déjà rendu les armes devant qui ce soit.

Il est celui qui fait ployer les autres sous sa domination, pas l'inverse.

Pourtant... Sylath en parle comme s'il s'agissait de la chose la plus délicieuse à laquelle il n'ait jamais goûté.

Et c'est terriblement déroutant, de l'imaginer ainsi, dans la position qu'il occupe lui-même à cet instant.

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant