Quand les doigts du vampire quittent sa peau, Ilashan a l'impression de le voir partir loin, très loin dans ses pensées.
Il l'observe un moment sans oser bouger lui-même, le souffle suspendu.
La réponse de Sylath ne lui convient qu'à moitié. Il lui parle pourtant du plaisir de l'abandon comme de quelque chose de si délicieux que chacun devrait avoir le droit d'y goûter.
Mais s'il a été mortel, il n'a pas été esclave. Il n'a pas été dans la position d'un humain fragile, qui abandonne jusqu'à son libre arbitre entre les mains d'une créature qui pourrait le broyer.
Et Ilashan ne voit pas comment une telle chose serait possible sans que sa volonté en soit brisée.
Sans y perdre son intégrité, son indépendance, tout ce qui le constitue et ce pourquoi il s'est toujours battu.
— Ça a l'air impossible. Pas sans conséquences.
Est-ce qu'il lui demande de devenir, le temps d'un hiver, l'un de ces calices aux yeux vides qui gravitent autour des immortels ? Ilashan se rappelle des deux jeunes humaines qui entouraient l'amie de Sylath, lors de la fête du solstice. De leurs rires, de leur façon de s'accrocher à lui lorsqu'elles avaient tenté de le faire danser. Des regards dérobés qu'elles jetaient en permanence en direction de leur maîtresse.
Par affection ? Par crainte ? Il lui avait semblé, au milieu des vapeurs de l'alcool, que ces jeunes filles étaient comme des petits animaux domestiques que l'on avait dressé pour distraire. Des animaux qui étaient devenus si dépendants de la main de leur maître que leur rendre la liberté serait revenu à les condamner à mort.
— Je n'arrive même pas à... à imaginer en quoi ça consiste, de s'abandonner complètement. Je me suis juré que je ne laisserai plus jamais personne décider à ma place de ce que je devais faire. Alors si c'est ça que vous voulez...
Quel plaisir peut-on trouver dans le renoncement ? Il n'arrive pas à comprendre. Il n'y voit que de la soumission, de la contrainte, de la souffrance, de la frustration. L'asservissement ne peut apporter que de l'humiliation. Un faible écrasé par un fort.
Une confiance sans faille et sans réserve ne peut se terminer que par une trahison dévastatrice. Ilashan en a déjà vu les conséquences.
Passer l'hiver à manier les armes lui conviendrait très bien. La lecture ne l'attire pas plus que cela, synonyme pour lui de frustration et de réprimandes.
Est-ce que Sylath lui parle de devenir amants ? Il ne voit pas en quoi cela lui apporterait de l'apaisement et de la sécurité. C'est forcément de quelque chose d'autre que lui parle le vampire, quelque chose dont il ne parvient même pas à deviner les contours.
La respiration aussi fébrile que son esprit est tourmenté, il remonte vers Sylath un regard à la fois plein de doutes et de détermination.
— Montrez-moi. Faites-moi voir... ce que ça pourrait être.
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L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neige
VampirPartie 2 de l'Astre et le Veilleur - Tome 1 : La forteresse de neige Le mercenaire Ilashan a été sauvé d'une tempête par le mystérieux Sylath, qui l'a conduit à l'abri dans une forteresse isolée, peuplée de vampires et de leurs esclaves humains. Le...