245 ~ Sylath

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Les premières passes d'armes sont fluides et les mouvements de Sylath se font progressivement plus lestes. Le vampire se montre prudent le temps de s'ajuster au rythme d'Ilashan et pour le laisser s'échauffer, puis il accélère. Il arrête bien sûr ses coups à un cheveux de leur cible, mais il appuie son épée contre celle de l'humain, autant que la force d'Ilashan peut en supporter.

C'est un combat âpre, dans lequel le mercenaire ne lâche pas une miette. Et Sylath ne peut que l'admirer. Il est plus fort et plus rapide, mais la technique d'Ilashan est impressionnante. Il n'a pas un style flamboyant d'homme de cour, ses attaques sont efficaces, instinctives, tous ses gestes visent la plus grande précision pour le moins d'efforts.

Ilashan, coutumier de ce genre de combats, l'affronte avec la retenue d'un entraînement amical et le sérieux d'un combat à mort. Quand l'humain est contraint d'encaisser un coup, ce n'est jamais un organe vital que Sylath trouve sous sa lame de bois. Le mercenaire lui présente tantôt l'épaule, le bras, ou la jambe en dernier recours, et le vampire ne peut que reconnaître son opiniâtreté : s'il s'agissait d'un véritable combat à mort, Ilashan serait toujours en vie, gravement blessé, mais encore debout.

L'immortel a rarement vu un tel courage et une telle envie de vivre.

– J'ai appris avec une épée en bois encore plus mal taillée que celle-ci. Le père d'un... d'un ami, avait été soldat dans l'Ouest, pendant la guerre des mages, avant de s'installer dans le Nord. Il nous apprenait et nous nous entraînions. Il est parti avant l'hiver sans fin, son père était devenu un marchand suffisamment riche pour se permettre le voyage, et il connaissait les routes. Ensuite je me suis entraîné à la Forteresse, avec des humains et d'autres immortels...

Sylath ignore si la question d'Ilashan avait pour but de le déconcentrer mais cela fonctionne et alors qu'il finit sa phrase, Ilashan enchaîne trois passes que l'oeil humain peinerait très certainement à voir. À la fin de son enchaînement, ils se retrouvent l'un contre l'autre, la lame du mercenaire est contre la gorge de Sylath contre lequel il s'est jeté sans hésiter ; avec de vraies armes, le vampire lui aurait transpercé l'épaule. À la place il aura seulement un vilain bleu. Si le combat était réel, l'immortel ne serait pas en danger, pas pour une blessure à la gorge, même profonde, en revanche, la rapidité d'Ilashan est stupéfiante et le vampire, surpris, éclate de rire.

– Mais il semblerait que des siècles d'entraînement ne suffisent pas à égaler ton niveau !

Mais au moment où il le dit, le vampire réalise que l'idée n'est pas si réjouissante. Combien d'heures de combat une telle virtuosité demande-t-elle ? Combien d'affrontements mortels, de blessures, combien de fois a-t-il eu peur de mourir ?

Sylath n'a pas compté les cicatrices sur son corps, quand il l'a caressé, la veille, mais à présent il s'en veut de ne pas y avoir porté plus d'intérêt. D'un mouvement souple, il dégage son épée toujours appuyée contre l'épaule de l'humain, où la marque du coup restera certainement plusieurs jours, et croise son regard en essayant d'enfouir les désirs qu'a éveillés l'idée d'un Ilashan nu dont il pourrait explorer le corps pour en dénombrer les cicatrices.

– Félicitations, dit-il simplement.

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant