L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neige

268 ~ Ilashan

Ilashan enfile une paire de bottes souples et un surcot de laine pour affronter le froid des couloirs. Il a besoin de bouger pour s'occuper l'esprit, malgré la douleur qui persiste dans ses membres. Il sent que les mauvais souvenirs et la colère ne sont pas loin de revenir le hanter, et que même un tonneau de bière et toute une nuit de débauche ne pourraient pas les lui faire oublier s'il venait à sombrer.

Après une hésitation, Ilashan emporte avec lui la bouteille de liqueur. Il n'en reste plus beaucoup –il se ressert d'ailleurs avant de sortir –, mais cela gardera les angoisses à distance et lui tiendra un peu compagnie.

Il constate rapidement que l'heure de la cérémonie est terminée depuis longtemps, et se demande combien de temps il est resté assoupi. Il ne se rappelle pas s'il faisait encore nuit lorsqu'ils sont remontés des grottes, mais il semblerait qu'il ait passé toute la journée à dormir.

Les rares humains qui croisent Ilashan le saluent avec chaleur et lui indiquent spontanément où se trouve Sylath. Cela a de quoi l'agacer, mais il serre la mâchoire et suit leurs conseils pour rejoindre le vampire. On l'informe que quelques immortels se sont réunis pour discuter de l'avancée des travaux. Ilashan n'est pas enchanté de devoir l'attendre devant la porte de la salle, comme un chien qui se languit du retour de son maître, mais il n'a aucune intention d'interrompre la réunion pour les rejoindre. Alors il trouve un coin où s'asseoir, assez renfoncé pour qu'on ne vienne pas l'y déranger, et prend son mal en patience.

Marcher lui a fait du bien, mais rapidement, l'inactivité le rend fébrile. Il reprend une gorgée de sa bouteille, plus par ennui qu'autre chose, récoltant au passage un regard oblique de la part d'un serviteur occupé.

Il n'a pourtant pas longtemps à attendre avant que Sylath n'apparaisse. Ilashan se redresse presque aussitôt, une impression indéfinissable au creux du ventre. Il n'aime pas voir le vampire dans ses vêtements de cérémonie. Mais il n'aurait pas apprécié non plus de le revoir dans sa tenue de la veille, et il est curieusement soulagé de le retrouver. Cette simple émotion suffit à le contrarier. Il y a quelques jours à peine, il n'aurait pas éprouvé de tels sentiments en sa présence.

— Ça va, dit-il après avoir longtemps soutenu son regard.

Il tient debout, et il est capable de penser par lui-même. C'est suffisant pour s'estimer en bonne santé. Le reste est superflu.

Sylath n'a pas l'air dans une meilleure forme que lui, en dépit des apparences. Ilashan ne peut s'empêcher de se demander pourquoi, mais cette impression ne fait que renforcer sa détermination.

— La nuit du solstice, vous m'avez dit que ça faisait longtemps que vous n'aviez pas connu l'ivresse. J'ai pensé que c'était le moment d'arranger ça.

L'idée que le vampire puisse avoir mieux à faire ne lui a même pas traversé l'esprit. Il n'a plus qu'un seul objectif en tête, et secoue son flacon d'alcool pour en évaluer le contenu. À peine quelques petites gorgées supplémentaires. Pas de quoi le rendre ivre, malgré ce qu'il a déjà bu, et encore moins de quoi enivrer Sylath.

— Mais une seule bouteille ne suffira pas, et ça m'étonnerait qu'on me laisse le servir comme je veux dans les réserves de la forteresse. Il paraît que depuis le banquet, j'ai une réputation d'ivrogne.