L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neige

242 ~ Ilashan

Ilashan songe qu'il se joindrait bien aux immortels pour chasser les loups arctiques, s'il avait la moindre chance de pouvoir les accompagner. Depuis son arrivée dans le nord, il a rarement vécu si longtemps sans connaître le frisson d'un véritable combat.

Il ne formule pas cette pensée à voix haute, distrait par les doigts qui remontent son échine, mais elle occupe encore son esprit tandis que le bien-être se répand progressivement dans ses membres. Les premiers contacts l'ont fait se tendre par réflexe, mais il comprend vite les intentions de Sylath, qui sont loin d'être compliquées.

Le vampire à les doigts plus agiles et les paumes moins calleuses que la plupart des personnes qui lui ont jamais offert ce genre d'attention. Les derniers massages qu'il a reçus étaient même plutôt douloureux, dans son souvenir. Et s'il peine dans un premier temps à se laisser reposer contre Sylath, il n'a aucun mal à sombrer dans le sommeil, qui le fauche sans même qu'il ne s'en rende compte.

Il est le premier à rouvrir les yeux quelques heures plus tard. Il n'a jamais eu besoin d'énormément de sommeil, accoutumé à des nuits courtes et clairsemées.

L'esprit d'Ilashan prend rapidement conscience de ce qui l'entoure. Il fait encore jour, il est dans son lit, Sylath dort tout contre lui.

Il en pousse un grondement aussi exaspéré que contrarié. Sans le moindre ménagement, il remue pour se dégager de son étreinte et rouler sur l'autre flanc. Encore engourdi par le sommeil, il sent pourtant que l'endormissement ne le frappera plus. Sans parler du bras puissant qui s'enroule autour de sa taille pour le ramener de force vers le corps du vampire. Geste volontaire, ou réaction instinctive d'un prédateur possessif ?

Ilashan se tourne à nouveau, sans chercher à résister. Il se couche sur le côté et glisse une main sous l'oreiller, son corps tout proche de celui de son hôte, leurs jambes étendues côtes à côtes. Le vampire à encore les yeux fermés, un air tranquille sur le visage, peut-être une esquisse de sourire. Ilashan le dévisage sans broncher, sans réussir à deviner s'il dort vraiment ou s'il fait juste semblant d'être assoupi pour profiter encore de ce moment.

Quelques cartes sont toujours étalées au fond du lit, sous leurs pieds. Les couvertures ne sont pas défaites et une cape les enveloppe tous les deux. Il n'entend pas le feu crépiter dans la cheminée, mais le soleil couchant dessine les contours des épais rideaux, éclairant la figure paisible de Sylath d'une lumière douce et pâle.

Si différente de la lueur rouge des flammes.

Sans dire un mot, Ilashan tend la main pour écarter quelques mèches noires qui ont chuté devant le visage du vampire. Sa peau est encore tiède. Elle est bien moins chaude que la veille, mais elle n'a pas non plus sa froideur habituelle.

Il serait tellement facile de le croire humain. Ilashan n'arrive même pas à lui en vouloir d'être resté dormir avec lui, dans sa chambre.

Il prend finalement la décision de se lever, avant que le vampire ne se réveille vraiment, ou qu'il cesse de faire semblant de dormir pour le capturer entre ses bras et l'empêcher de fuir. Le jour brille encore, la forteresse sera déserte ; c'est un bon moment pour aller se dégourdir les jambes.

Peut-être que Sylath voudra venir ? Ilashan n'ose pas vraiment le réveiller, mais il sent qu'il va au-devant de gros ennuis s'il disparaît encore sans l'avoir averti.

Rapidement, un autre problème s'impose à lui. Comment fait-on pour réveiller en douceur une personne, sans donner un grand coup de pied dans son lit, lui jeter un seau d'eau froide à la figure, ou tirer sèchement les rideaux en lui hurlant de se lever ?

Après un instant d'hésitation, Ilashan attarde ses doigts sur la tempe du vampire, guettant le moindre frémissement de ses paupières. Sa voix encore enrouée par le sommeil perce à peine le silence de la chambre.

— Sylath. Je vais aller m'entraîner. Vous voulez venir ?