L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neige

246 ~ Ilashan

Il y a une lueur étrange dans le regard de Sylath. Un éclat particulier qui interpelle Ilashan alors que leurs yeux se croisent l'espace d'un instant. De la fierté ? Une envie de revanche ? Il n'est pas vraiment certain, encore perturbé par le rire qui résonne dans ses oreilles. Et par la douleur qui vrille son bras.

Ilashan se laisse tomber par terre en poussant un soupir de souffrance, lâchant son épée pour porter la main à son épaule douloureuse. Pourtant, la satisfaction d'avoir réussi à mener jusqu'au bout une telle attaque a fait apparaître un sourire qui persiste encore sur son visage.

— Dans mon métier, les mauvais bretteurs ne vivent pas très longtemps.

Avec une grimace, il tire sur le col de son vêtement pour inspecter la marque rouge sur sa peau. Il est en nage, essoufflé, perclus de douleur, et va probablement se couvrir de bleus au cours des prochains jours, mais il se sent bien. Terriblement bien.

Il retire machinalement sa tunique pour vérifier l'étendue des dégâts sur le reste de son corps. Il a souffert, mais il ne regrette pas le moindre coup reçu. Et tant pis s'il n'a gagné que parce que Sylath a eu un instant d'égarement ; une victoire reste une victoire. Il n'allait pas laisser filer une occasion pareille, et n'a pas hésité à bondir sur l'occasion quand elle s'est présentée.

Il n'oubliera pas de sitôt l'air surpris de Sylath lorsque la lame factice s'est appuyée contre sa gorge.

Il redresse les yeux sur le vampire, qui s'est éloigné pour ranger leurs épées en bois. Contre un humain, Ilashan aurait probablement fait varier l'entraînement pour qu'il s'étire sur plusieurs heures, mais il a tellement donné contre Sylath qu'il ne se sent pas capable de recommencer tout de suite, surtout après avoir passé autant de jours sans faire d'exercice. La réponse du vampire a soulevé de nombreuses questions, et la curiosité transparaît dans son regard.

— Mais j'ai du mal à croire que vous ayez vraiment besoin d'épées pour vous défendre contre des humains ou des loups.

Si les armées du nord réussissaient à se frayer un passage jusqu'ici, à travers la neige et le blizzard, ils se heurteraient d'abord aux hautes murailles de la Forteresse, et il ne faudrait sans doute que quelques minutes aux immortels pour déferler sur eux pour les anéantir jusqu'au dernier.

Ilashan est parfaitement conscient que cette victoire ne signifie rien et que Sylath aurait pu le démembrer à main nue dès son premier assaut. Il a encore un souvenir cuisant de cette fois où le vampire l'a soulevé comme s'il ne pesait rien pour l'immobiliser sur son lit. Réprimant un frisson, il enfile à nouveau sa tunique, avant de tenter de se redresser. Ses jambes sont un peu moins stables que tout à l'heure, et son estomac crie famine, mais le frisson du combat a été si grisant qu'il se sent désormais en pleine forme.

Il ne pensera sûrement pas la même chose dans quelques heures, quand les courbatures et les bleus commenceront à le lancer vraiment.

— Est-ce qu'il y a d'autres personnes qui s'entraînent ici ?

Les yeux d'Ilashan s'attardent sur les nombreuses armes qui ornent les murs de la pièce. Il se demande si cette salle est souvent occupée, ou si elle n'est qu'un vestige mourant d'un lointain passé oublié. Il suppose que Sylath devra bientôt partir organiser la cérémonie pour le Veilleur, et ne pourra pas tous les jours lui consacrer une a ou deux pour venir s'exercer ici. Pourtant, il a le sentiment que l'hiver sera bien moins long s'il avait l'occasion de revenir régulièrement ici pour manier toutes ces armes vraisemblablement délaissées.