Le retour se fait dans le silence, Sylath est concentré sur le chemin, sur les pas d'Ilashan qu'il surveille, et sur ses propres pensées.
Il était si proche de renoncer... Les immortels ont pourtant moins de scrupules habituellement. Il y a tant de moyens de convaincre un esclave de devenir docile. En général la simple rencontre avec les êtres surnaturels et la proximité du Veilleur étouffe toute velléité de révolte chez les humains. Et parfois il faut se montrer plus convaincant. Que ce soit le fouet, la rétention ou les plaisirs charnels, chaque mortel a un point faible, une chose qui le rend docile et attentif, qui permet de l'atteindre, de lui faire baisser les armes pour ensuite lui enseigner qu'on veut son bien.
Avec Ilashan rien de cela n'aurait fonctionné. Les punitions le rendent méfiant et amer, l'enfermement fatigue son moral et le rend agressif. Quant au sexe, obtenir un contact de lui demande du temps et de la patience. S'il l'avait forcé, il l'aurait brisé.
Sa main dans la sienne pourtant, semble dire qu'il ne faut pas qu'il renonce, qu'Ilashan a besoin d'aller à son propre rythme, et qu'il ne sera certainement jamais docile, mais qu'il peut incliner la tête de sa propre volonté quand il se sent assez en confiance pour le faire.
Quand ils arrivent dans la lumière de la forteresse, Sylath desserre ses doigts et Ilashan retire sa main. Le vampire s'y attendait, il commence à connaître sa pudeur et il la respecte.
Ils remontent les couloirs jusqu'à leur chambre et Ilashan lui dit qu'il peut partir, ce que de toute façon, Sylath doit faire : la cérémonie attend, elle a une heure de retard, et tout le monde doit être très inquiet.
– Je te rejoins après la cérémonie, retire tes vêtements et réchauffe-toi auprès du feu. Les extrémités en particulier : les oreilles, les doigts et les orteils. Je vais envoyer des humains te préparer un bain chaud et t'apporter à manger.
Au moment où il s'apprête à partir, Ilashan rajoute deux phrases, un peu hésitantes, qu'il prononce comme quelque chose d'anodin et qui pétrifient le vampire.
Le laisser se nourrir ? Ilashan lui offre à nouveau son sang. Mais cette fois il n'est pas alcoolisé, il lui propose cela en toute conscience.
La première idée qui vient à l'esprit du vampire est qu'il faut refuser, car Ilashan qui se méfie sans cesse pourrait le considérer comme un désir de profiter après s'être réconciliés.
Mais il chasse cette pensée. Au fond, elle est puérile et pleine de manipulation... Le Flagelleur décide d'être simplement lui-même. Ilashan sait ce qu'il est, il connaît sa nature, et il a déjà expérimenté la morsure. Il a parfaitement conscience de ce qu'il offre.
Et Sylath qui était parvenu, à force de prières, à faire taire son envie de lui, se retrouve brusquement assoiffé à la simple pensée de le mordre à nouveau.
Un sourire s'étire sur ses lèvres. Comme s'il lui était possible de décliner cette offre ! Même s'il l'avait voulu, Ilashan exerce une attraction si forte sur lui...
– J'accepte, répond-il après un instant. C'est un peu de ta vie et c'est un présent d'une valeur inestimable. Je l'accepte pour ce qu'il est. Merci, Ilashan.
Le vampire quitte la chambre et laisse à l'humain l'intimité nécessaire pour s'assurer que son corps n'a pas trop souffert du froid.
L'esprit un peu égaré et les canines au bord des lèvres, il se perd dans ce qui vient d'arriver. Il semble sentir encore la main d'Ilashan dans la sienne et deviner déjà la saveur de son sang sur sa langue.
– Flagelleur ! Vous êtes là ! Nous étions tous très inquiets. Les autres immortels nous ont envoyé vous chercher. Avez-vous retrouvé votre humain ?
La jeune fille qui vient d'apparaître au détour d'un couloir et qui a parlé sans même respirer est essoufflée et ses joues sont rouges.
– Je suis là, et Ilashan va bien, je l'ai retrouvé. Dis aux autres de ne plus me chercher, la cérémonie va commencer. Et demande à des novices d'apporter de l'eau chaude pour le bain et un repas dans ma chambre.
La jeune fille s'exécute et Sylath rejoint la chapelle. Il s'excuse auprès de ses pairs, qui sont soulagés d'apprendre qu'il a retrouvé l'humain et la cérémonie commence. Sylath remercie sincèrement le Veilleur, pour sa bienveillance, son soutien indéfectible, pour Ilashan dont il s'est rapproché et qu'il a le sentiment de pouvoir atteindre un jour.
Puis la cérémonie se termine et après avoir discuté des plans des dortoirs avec trois autres vampires et avoir remercié avec douceur le novice qui a donné son sang au Veilleur pendant la cérémonie, Sylath se retire et regagne ses appartements.
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L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neige
VampiriPartie 2 de l'Astre et le Veilleur - Tome 1 : La forteresse de neige Le mercenaire Ilashan a été sauvé d'une tempête par le mystérieux Sylath, qui l'a conduit à l'abri dans une forteresse isolée, peuplée de vampires et de leurs esclaves humains. Le...