216 ~ Ilashan

2.5K 242 23
                                    

L'allusion sexuelle le fait effectivement grimacer, mais Ilashan garde ses réparties pour lui, préférant économiser ses forces pour ce qui va suivre. D'autant plus qu'il a encore le goût de son propre sang sur les lèvres, après le baiser féroce du vampire.

Il a plus de pragmatisme que d'amour propre, et n'hésite pas à nouer ses jambes derrière les reins de Sylath en se sentant basculer en arrière. C'est la première fois qu'il ressent autant de chaleur dans la proximité du corps du vampire, et cela le surprend, autant que sa froideur a pu le surprendre les toutes premières fois qu'il l'a enlacé.

Le souffle du vampire ricoche contre sa peau et lui arrache un nouveau frisson, juste avant que les crocs ne se plantent dans sa chair.

Ilashan ne peut s'empêcher de tressaillir de douleur, les dents serrées. C'est un peu comme avoir une écharde enfoncée profondément sous l'épiderme. Une écharde de la taille d'une dent humaine et figée dans la peau sensible de sa gorge. À deux endroits.

Il se sent prisonnier de l'étreinte possessive du vampire, comme une proie solidement tenue en place par la mâchoire implacable d'un prédateur. Il n'aime pas se sentir aussi vulnérable, et n'aimera probablement jamais.

Mais il sait aussi à quel point le plaisir peut être décuplé lorsqu'il survient après la frustration ou la peine. On n'apprécie jamais autant les choses qu'après avoir souffert pour les obtenir.

Et ce que lui inflige Sylath est aussi éprouvant que délicieux.

Ilashan perçoit pleinement la présence du vampire, sa tête tout contre la sienne, son bassin pressé contre son ventre. C'est bien plus intense que le baiser d'un amant, plus intime qu'une simple accolade. Sylath aspire son sang comme s'il se nourrissait de sa vie même, l'enserre comme s'il ne pourrait pas survivre si l'humain s'éloignait de lui.

Contrairement à ce qu'il espérait, la douleur ne tient pas le désir à distance. Au contraire, elle le rend encore plus intense.

Ilashan attrape les cheveux de Sylath par poignée, s'agrippe si fermement à son dos qu'il en tire sur le tissu de sa tunique. C'est si bon, si grisant, qu'il en gronde sans même s'en rendre compte et qu'il a le réflexe de resserrer un peu plus ses jambes autour des hanches du vampire. Recherchant inconsciemment son contact, comme on recherche celui d'un amant au cours d'une étreinte.

La douleur persiste lorsque les crocs se retirent, mais disparaît bientôt sous la sensation, plus familière, d'une langue douce et tendre qui cajole sa gorge meurtrie. Il n'a pas la force de résister lorsque Sylath bascule en arrière et tombe avec lui, pris d'un instant de vertige. À cause du sang qu'il n'a plus autant que du plaisir qui vient de le traverser.

Ilashan passe quelques instants appuyé contre le torse du vampire, les yeux clos, la respiration haletante contre la gorge de Sylath. L'odeur de sa peau lui est familière, mais la chaleur de son corps est inédite et il se surprend à la savourer quelques secondes supplémentaires. Et puis, parce qu'il n'aime pas reposer de tout son poids sur quelqu'un, il finit par trouver la force de s'écarter pour rouler sur le flanc et s'étendre à ses côtés.

Ilashan se sent aussi épuisé et grisé que s'il venait de passer des heures à faire l'amour, mais excité et tendu comme s'il ne l'avait pas fait depuis des semaines.

Ce qui, à la réflexion, est le cas.

Il ne peut plus nier le désir qui brûle dans son aine, la fébrilité qui agite encore son corps, mais qui n'est plus du tout provoquée par la crainte ou l'hésitation.

Et il a comme l'impression, au son étrange de sa voix, que Sylath est dans un état similaire.

— Ça fait moins mal qu'un coup de poignard dans la hanche.

Sa respiration est toujours hasardeuse, en partie à cause de l'excitation qui le tourmente encore. Ilashan s'humecte les lèvres, entrouvrant les paupières pour observer le vampire. Son corps étendu près du sien, éclairé par les flammes.

Il ne représente plus une menace. Plutôt une tentation.

Cette réflexion le percute de plein fouet, perturbant profondément sa voix autant que ses pensées.

— Pourquoi est-ce que c'est aussi bon ?

Il ne comprend pas ce déluge de sensation qui s'est abattu sur lui, plus violemment que toutes les autres fois. Il ne saurait même pas mettre de mots sur tout ce qu'il a éprouvé chaque fois que Sylath l'a mordu. Et le vampire... il ne pensait pas qu'il le verrait un jour aussi ébranlé par le plaisir, lui qui semble toujours si calme et maître de lui, qu'il soit en train de faire une offrande au Veilleur ou bien de le frapper à sang pour le punir.

— Est-ce que... est-ce que vous ressentez toujours ça, quand vous mordez quelqu'un ?

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant