209 ~ Sylath

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— Être mon égal ? Je ne peux en effet que t'en donner l'impression. Je ne peux redevenir mortel. Quant à faire de toi...

Il s'interrompt en secouant la tête. Faire d'Ilashan un vampire serait une monstrueuse damnation qui irait à l'encontre de toute la bienveillance qu'il veut lui offrir, ce serait un crime, une offense odieuse à ce qu'il est, et à la liberté qu'il aime.

— Il n'est pas question de cela, tranche-t-il sans même le formuler tout haut. Mais quand bien même ce serait possible, être ton égal ne te garantirait rien. Et tu n'aurais pas moins de raisons de me craindre. De manière paradoxale, tu as peut-être plus de sang sur les mains que moi. Je ne donne pas la mort, je protège la vie. Un humain qui te serait semblable ne serait en rien inoffensif, et tu ne trouverais pas moins de raisons de le craindre.

Sylath marque une pause. Il espère ne pas avoir offensé Ilashan. Son intention n'était ni de juger son passé, ni de condamner ses actions.

— Nous ne pouvons pas être égaux, mais ma confiance est le reflet de la tienne. Et tu peux la mettre à l'épreuve à ta guise. Je suis prêt à te céder exactement ce que tu me cèdes, et plus encore. La confiance ne peut jamais être à sens unique.

Et cette promesse est sincère. Sylath a le sentiment qu'il pourrait tout accepter d'Ilashan, il lui a déjà offert bien plus que ce que l'on donne aux humains, et même plus que ce que l'on donne à un calice. Il lui a offert de lui rendre sa liberté, une épée enchantée, une place à ses côtés, aucun travail assigné... Par bien des aspects, il le traite plus comme un égal que comme un esclave. Mais l'immortel veut bien croire que les miettes de liberté et les faibles latitudes auxquelles Ilashan à droit ici, ne valent en rien l'égalité parfaite que peut offrir un autre humain, les bras chauds d'une femme ou d'un homme du Sud, prêt à partager avec lui le temps d'une vie mortel, sans contrainte et à la pleine lumière du jour.

Tout immortel qu'il est, il lui faut bien reconnaître avec humilité qu'il n'est sans doute pas la personne qu'on choisirait pour apprendre à faire confiance...

— En dehors de cela, je n'ai pas de solution à ton dilemme, dit-il d'un ton parfaitement neutre. Et si cela signifie que tu refuses de m'accorder ta confiance, je comprendrais et ne demanderais rien.

Il relâche doucement le poignet d'Ilashan, il a prolongé ce contact longtemps et ses doigts se sont réchauffés un peu. A bien y songer, si cette égalité est inconcevable ce n'est pas seulement parce qu'il est plus ancien et plus puissant que le mercenaire, c'est aussi parce qu'il est infiniment plus faible et plus dépendant...

L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neigeOù les histoires vivent. Découvrez maintenant