L'astre et le Veilleur - Tome 1 (partie 2) : La forteresse de neige

249 ~ Sylath

L'expression d'Ilashan quand Sylath lui propose de prendre un bain ensemble est impayable. C'est un mélange comique d'amusement, de méfiance et de quelque chose qui plaît moins à Sylath et qui ressemble à de la fatalité. C'est cette impression que donne par moments Ilashan, de ne pas avoir le choix, comme s'il était tombé dans un piège inévitable qui lui aurait été destiné. Et c'est cela qui fait immanquablement hésiter le vampire.

Si les choses avaient différentes, s'ils avaient été humains tous les deux, s'ils avaient été deux égaux, il l'aurait pressé sans cesse, plus avidement et plus sincèrement, plus brutalement même peut-être. Il l'aurait courtisé jusqu'à ce qu'il cède et une fois tombé dans ses bras, il aurait été un amant affamé, il aurait sollicité son corps sans cesse, il l'aurait dévoré.

Mais paradoxalement, être un monstre puissant le gêne. Obtenir par la force ou par manipulation ne l'intéresse pas. Ce qu'il veut, presque depuis le début, c'est la connivence de deux amants, de deux frères d'armes, de deux amis. Mais il lui semble de plus en plus que tout cela est impossible ici. Dans le temple du Veilleur où les humains sont des esclaves, où les immortels les gouvernent et se nourrissent d'eux, Ilashan est incapable de trouver sa place et tout ce qui naît entre eux tourne à l'amertume.

Ilashan accepte le bain. Mais Sylath a l'impression que ces étreintes qu'ils partagent ne lui sont pas destinées, qu'elles appartiennent à un autre, à un vivant, à quelqu'un qui n'aurait pas besoin de retenir Ilashan dans une forteresse gelée pour pouvoir le toucher.

Dans la salle d'eau, il sent néanmoins le regard du mercenaire sur lui, mais l'humain détourne les yeux un peu vite quand il découvre son corps nu. Sylath s'installe derrière lui dans l'eau, mais il ne l'accable pas d'étreintes ni de caresses. Il le laisse le laver en observant son dos. Les cicatrices qui s'y trouvent sont des traces de combats, des blessures anciennes, et des rayures blanches inquiétantes qui ressemblent à des marques de fouet.

– Cette nuit je vais redescendre dans les souterrains, jusqu'à la source chaude. Apparemment, une plante a échappé à notre vigilance la dernière fois. À certains endroits de la forteresse, l'arrivée d'eau est insuffisante, je vais aller voir quel est le problème. Si tu veux m'accompagner, nous serons plus prudents que la dernière fois, mais je comprendrais que tu n'aies pas envie de redescendre là-bas ! Je peux aussi demander à l'un des hommes de la garde de jour de s'entraîner avec toi. C'est toi qui vois.