61 Une perte immense

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Décidément, j'aimais les chambres pour me réveiller à chaque fois dans l'une d'elle. A nouveau celle du château de Dean. Un cri retentit derrière la porte. Je n'eus pas le temps d'émerger de ma torpeur que deux petites terreurs se jetèrent sur moi.

_ Mère, levez vous. Vites. La chienne a eu des petits cette nuit. Venez voir.

_ Dépêchez-vous maman. Ils sont adorables. Pourrons nous les gardez? Dites oui, s'il vous plaît.

Mes fils. Il y a encore quelques secondes je les mettais au monde et là, dans ce présent ci, ils devaient avoir huit ans environ. Ils ne se ressemblaient pas. L'un blond, plus exubérant ; l'autre brun plus réservé mais avec ce regard que j'avais déjà croisé. Sans prendre conscience je le pris dans mes bras pour l'embrasser sur la joue.

Il se débattit.

_ Mère. Voyons je suis un homme à présent.

Je souris.

_ Tu es mon enfant. Vous l'êtes tous les deux d'ailleurs et si vous ne me laissez pas me lever tranquillement je devrais réfléchir à comment me faire obéir.

A voir leur tête pas du tout inquiète je me doutais qu'ils vivaient dans un foyer paisible et unis. Jusque là je ne voyais que de belles choses ou presque. Ils avaient l'air heureux et épanouis. Pourquoi la petite fée du Gouffre me montrait t'elle tout cela?

Arrivée dans la grande salle que je n'avais aperçu qu'une seule fois auparavant et brièvement pour me rendre aux cuisines,  je vis mes parents attablés avec Dane. Je les saluais chacun leur tour avec un regard plus appuyé à celui de ma mère.

Elle compris le message et leva son verre à mon attention.

Elle avait vieillie. Peut être plus que mon père. Des rides profondes marquaient le tour de ses yeux. Je la sentais lasse et fatiguée. Mes fils n'étaient pas là. Surement auprès de la fameuse chienne qui avait mis bas.

Nous mangions donc tranquillement lorsqu'un valet fit irruption dans la salle en tenant par le col ce qui me semblait être un jeune garçon qui pleurait.

_ Maître. Pardonnez-moi de faire irruption ainsi mais je viens de surprendre ce scélérat à voler dans le potager.

_ Je vis Dane se lever.

_ Pourquoi voler mon garçon?

_ Pour me nourrir Monseigneur. Nous autres gens pauvres ne pouvons garnir nos tables.

_ Ne peux tu travailler?

_ Si.

_ Alors pourquoi ne le fais tu pas?

_ Il n'y a pas de travail Monseigneur. Le village est pauvre et chacun se demande comment remplir son estomac. L'hiver approche et nous avons peur...

Il avait peur et était visiblement affamé. Il était décharné et son teint était cireux. Au cours de leur échange je compris que c'était loin d'être un cas isolé. La famine, la peur, les gens finiront par se soulever. Comment avions nous pu en arriver là? Que c'était-il passé durant ces quelques années et qu'est ce que je ne voyais pas durant ces "voyages"?

Mes parents devaient rentrer le soir même. Aussi nous tentions de passer une agréable journée en compagnie de chacun. Les aux revoir furent chaleureux. Un valet vint frapper à la porte du château tôt le lendemain matin. Mes parents avaient été attaqués par des fermiers qui voulaient de l'argent et des bijoux pour acheter à manger. Ils avaient été sauvagement attaqués. Je ne voulais pas entendre les horreurs que l'on avait fait à mes parents mais j'entendais tout de même que leur corps avaient été exposés sur une croix, à l'écart de leur tête. J'avais de la bile dans la bouche. J'étais comme dissociée. Pourquoi une telle torture? Mes parents m'avait toujours parus bons et juste alors pourquoi tant de haine?

Je ne pouvais croire qu'ils étaient mort de la sorte. Dane prenait les choses en main. J'étais incapable de bouger de ma chaise ni même de respirer. Je voulais ma mère. Mes enfants étaient maintenant dans mes jupons, conscient que quelque chose d'important c'était passé. En voyant ma détresse, ils me serraient fort dans leurs bras.

Le fléau faisait des victimes chaque jours un peu plus dans le royaume mais pour la première fois, j'étais directement concernée et cela faisait mal, très mal.

Je m'évanouis enfin et accueilli les ténèbres avec reconnaissance cette fois ci.




La Faucheuse Lui Va Si Bien (En Cours)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant