8. L'élection du chancelier - seconde partie

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Avant même qu'il ne se lève, de nombreux regards s'étaient tournés vers Rems. Sans doute que certains sénateurs et autres agents d'influence l'avaient déjà approché ou préparé en secret à ce moment...


L'empereur quitta sa place sans hâte et se dirigea vers la tribune sous les yeux de l'assemblée chuchotante. Se tenant bien droit, vêtu d'un uniforme à la fois sobre et élégant, son pas était solide et régulier, comme s'il inspectait ses troupes.


Pour beaucoup de ceux qui l'observaient, sa candidature devait être la conclusion logique de son parcours, le couronnement de sa carrière et de ses objectifs. Mais je soupçonnais qu'il n'en était rien; Rems m'avait dit lui même peu avant la fondation de la Triplice qu'il n'était pas un politicien, ni un décideur. C'était un militaire, décidé à faire ce qui assurerait l'avenir de son alliance et la sécurité de ses citoyens. Aujourd'hui c'était le devoir plutôt que l'ambition qui le poussait à gravir les marches de la tribune.


-Je me déclare également candidat, annonça-t-il sobrement.


Sans rien ajouter de plus, Rems pouvait déjà espérer les votes des opposants à Emperator, et ceux des Libérateurs aux côtés desquels il avait affronté les LCO. Rien que ceux là lui offraient une base confortable, un bon tiers du sénat.


-En ce qui concerne mon programme, le cap suivit par notre alliance me semble être le bon, poursuivit-il d'un ton neutre. Je ne proposerais donc rien de très révolutionnaire; je pense que notre priorité doit être la défense de l'alliance. Il nous faut pour cela cartographier précisément les secteurs où se trouvent nos colonies, et organiser un réseau d'installations de surveillance interstellaire. Quant à notre politiques extérieure, nous devons identifier les menaces qui planent sur nous pour assurer que nos forces armées seront employées au bon endroit et au bon moment. Continuer à recruter des membres sera aussi une priorité.


Il marqua une pause.


-J'ajoute enfin que tous les projets évoqués par Emperator me semblent indispensables et ne seront pas abandonnés si je suis vainqueur, ajouta-t-il. Je vous remercie de votre attention.


Des applaudissements nettement plus chaleureux saluèrent se discours précis et efficace. Si Emperator en était agacé, il n'en montra rien, applaudissant son adversaire de bonne grâce avec les autres.


Rems était une personnalité populaire, un des initiateurs du projet Triplice. Sa flotte en constante expansion offrait un rempart rassurant et une puissance dissuasive face à nos ennemis. De plus il avait exercé de hautes responsabilités au sein de l'AEU mais n'avait jamais dirigé l'alliance, ce qui comblait aussi bien ceux qui voulaient du sang neuf que les plus conservateurs, réticents à élire un gamin de seize ans chancelier, aussi brillant fut-il.

En bref Rems était le candidat idéal promis à une large victoire. Du moins en théorie.


J'avais vu assez d'élections pour savoir que rien n'était joué avant la dernière seconde de la dernière minute.


La démocratie avait ses qualités, mais elle faisait aussi trop souvent le jeu des politiciens les plus démagogues, favorisant les intrigues et les coups tordus. Ce n'était pas pour rien si "politicien" était devenu une insulte; à bien considérer les choses, la masse préférait voter pour celui qui lui disait ce qu'elle voulait entendre plutôt que pour celui qui lui disait la vérité. C'était aussi vrai pour une population que pour une assemblée...

Mais quand la réalité finissait par reprendre ses droits, les gens se plaignaient des promesses non tenues en blâmant ceux qu'ils avaient eux-même mis au pouvoir. Ces derniers cherchaient alors péniblement à gouvernés, plus guidés par leurs propres objectifs que par l'intérêt général.


L'élection suivante tout recommençait. Ce genre d'aveuglement collectif pouvait perdurer en temps de paix, mais la guerre appelait un pouvoir efficace et solide. C'est ce qui avait poussé le modèle impérial à s'imposer à peu près partout à travers Andromeda, des féroces pirates aux paisibles marchands.


Mais ce pouvoir absolu avait aussi ses tares. Nombre d'empires en avaient fait l'amère expérience; entre les mains d'un seul homme, les grosses machines bureaucratiques et militaires pouvaient vite devenir des instruments d'oppression au service de quelques uns, ou s'emballer dans une folie autodestructrice.


La Triplice cherchait un délicat équilibre entre ces deux modèles imparfaits. Une Fédération ouverte, pacifique et forte à la fois, capable aussi bien de décisions collectives et réfléchies via le sénat que de mesures rapides grâce au chancelier. Le Haut Conseil assurerait la stabilité, guidant l'alliance... Du moins en théorie. En pratique les choses étaient toujours plus complexes.


Tout bien pesé, j'estimais l'élection trop importante pour la confier au hasard. Tandis que l'empereur Alastair lançait dans un débat cordial entre les deux candidats, je contactais Nina Septime via mon terminal.

La Dernière Étoile - Tome 2 : ChuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant