J. Le front - cinquième partie

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Varig avait déjà mené de nombreuses missions dangereuses aux côtés de l'équipage du Spectre, mais jamais il n'avait senti une telle tension. À mesure qu'ils approchaient du nuage de Scylla les conversations s'étaient faites de plus en plus rares, se réduisant à des considérations techniques et des ordres. Tout le monde à bord savait qu'il y aurait une bataille frontale et ces vétérans savaient à quel point ce serait sanglant et chaotique.

Néanmoins quand la flotte émergea après plusieurs heures passées dans l'hyperespace, une sensation familière prit le dessus sur l'angoisse.


Devant eux s'étendait le majestueux nuage de Scylla, un immense amas de matière haut de plusieurs années lumières. Des lueurs fantastiques et changeantes éclairaient l'espace, donnant l'illusion de regarder une aurore boréale colorer un ciel nocturne. C'était un spectacle magnifique, et profondément apaisant. Après tout ils n'étaient pas seulement des soldats; ils étaient toujours la flotte d'exploration de l'Empire, sensibles aux merveilles de l'espace.


-Amiral on détecte des signatures d'arianites à 2.7 années lumières de notre position, indiqua un opérateur après quelques instants de contemplation silencieuse.

-Très bien, répondit Varig en le remerciant d'un signe de tête. Ordonnez à la flotte d'adopter une formation de combat et rejoignez le premier point de saut.


L'arianite était un produit de synthèse capable de laisser un sillage détectable à travers la dimension hyperspatiale.

Les scientifiques thrawniens n'avaient que récemment appris à utiliser ce produit; ironiquement les pirates s'en servaient depuis bien longtemps pour prendre de grosses proie en filature. Aujourd'hui c'était eux qu'on traquait à l'aide de cette vieille ruse.


Les portes coulissantes de la passerelle s'ouvrirent et livrèrent passage à Carlsson tandis que les ordres de mouvement étaient transmis à la flotte. L'agent du BSI traça droit vers le fauteuil de commandement et se pencha vers Varig.


-Amiral, j'ai achevé la synthèse des dossiers transmis par l'amiral Kress, lui glissa-t-il de sa voix au volume si désagréablement faible. Puis-je vous voir quelques instants seul à seul?


Le chevalier acquiesça et se leva.


-Allons en salle de conférence, proposa-t-il. Commandant Arius, gardez un œil sur la flotte pour moi.


Les deux hommes quittèrent la passerelle et rejoignirent leur destination en silence. La pièce était un petit amphithéâtre plongé dans une pénombre agréable. Tandis que Carlsson rejoignait le projecteur holographique Varig alla s'asseoir dans les gradins.


-Je vous écoute, qu'avez vous découvert? demanda-t-il.


Le chevalier ressentait toujours un malaise diffus face à Carlsson. L'agent s'était montré d'une loyauté sans faille envers lui, mais le détachement froid avec lequel il s'occupait des besognes les plus sinistres et son indifférence affichée vis à vis de ses camarades le mettaient à part. Paradoxalement Delta s'était bien mieux intégré à l'équipage, et Varig le considérait même comme plus humain.

Mais il fallait reconnaître que Carlsson était efficace dans son travail.


-J'ai parcouru les rapports de la deuxième flotte concernant le complexe de Scylla. Concernant la stratégie d'approche et la bataille en elle-même, les commandants Arius et Frallon seront les plus qualifiés pour vous conseiller, mais les pirates de la SOB évitent de disperser leur flotte en détachement défensifs donc l'opposition sera minimale. Je recommande de l'éliminer le plus vite possible pour éviter que l'ennemi ne sabote ses installations.


L'agent croisa les mains dans le dos. Arius le détestait notoirement depuis que Carlsson l'avait fait arrêter et jeter dans les geôles glacées de Dantès avant qu'il ne rejoigne l'équipage du Spectre, mais Varig ne parvenait pas à déterminer si c'était réciproque. 


-Larguer des sondes devra précéder l'attaque de très peu de temps pour la même raison. D'après les rapports, piepie150 a engagé de nombreux scientifiques de la guilde des technocrates et en a raflé d'autre lors de raids. Il s'est concentré sur des physiciens ainsi que des ingénieurs en armement, peut-être afin de disposer de ses propres stations EDLM.

-Un pirate avec des...? Il ne manquerait plus que ça.

 -Vous comprenez maintenant pourquoi cette mission est jugée si critique par l'amiral Kress. D'après le docteur Leroy, ils pourraient tout à fait utiliser les propriétés de la nébuleuse comme source d'énergie pour alimenter une grosse station de recherche. En se basant sur les rations alimentaires envoyées par convoi, j'estime qu'elle compterait environ 20 000 occupants. Même si c'était uniquement des soldats, et ça n'aurait aucun sens, nos troupes de choc sont tout à fait capables de les éliminer. Encore une fois la vitesse sera cruciale; le colonel Maxus devra préparer différent scénarios et les adapter une fois le rapport des sondes reçu.


Varig acquiesça, le visage dur. Vitesse, agressivité et supériorité numérique; ses forces allaient devoir déborder rapidement l'ennemi pour minimiser les pertes, mais les risques étaient élevés, surtout pour les unités d'abordage. Il avait envisagé de détruire purement et simplement la station, mais la présence de scientifiques civils dont un bon nombre n'était que des otages l'en empêchait.

La bataille à venir s'annonçait brutale et sanglante.


-Et qu'en est-il de l'agent du BSI qui nous a mené jusqu'ici?

-Il nous contactera une fois à destination, s'il est encore en vie et a infiltré la station de recherche. Il savait que c'était une mission très risquée.


Après analyse des marqueurs d'arianite les navigateurs de la flotte avaient déterminé un trajet. Les forces de gravité s'équilibraient sur des "nœuds" qui bougeaient de façon imprévisible; pour parvenir à la zone stable au cœur du nuage il fallait "ricocher" de point en point sans jamais quitter l'hyperespace. La moindre erreur de calcul et la flotte serait perdue... Malgré la valeur stratégique du complexe, Varig comprenait pourquoi Kress n'avait pas pris le risque d'y expédier des équipages peu expérimentés. Ça aurait été un carnage.

Heureusement la flotte d'exploration était parfaite pour relever ce genre de défis.


La quinzaine de sondes de reconnaissance parties quelques minutes avant la flotte permettait d'assurer que les calculs étaient bons et fourniraient un premier aperçu du complexe et de ses défenses; si les pirates avaient réussi à monter une embuscade, la flotte changerait de course et ricocherait de nœud en nœud pour sortir de la nébuleuse avant de regagner l'espace impérial.

La Dernière Étoile - Tome 2 : ChuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant