10. La bataille de Terranie - cinquième partie

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Le gros de la flotte alliée s'était déployé en orbite de Terranie peu avant midi. Ces renforts étaient absolument vitaux pour l'évacuation: mes vaisseaux avaient embarqué plus d'une centaine de millions de réfugiés, et approchaient de leur seuil de saturation. Sur les transports surchargés de réfugiés il fallait tout le savoir des techniciens pour empêcher les systèmes de survie de flancher.


Contrairement à ce que je craignais la panique ne s'était pas répandue après le discours de Terrane et pour le moment l'embarquement se déroulait bien. Les forces de sécurité signalaient des pillards dans plusieurs quartiers évacués, mais elles avaient reçu ordre d'ignorer le problème. Il fallait embarquer le plus de gens possible au plus vite et de toute façon les bombardements risquaient de tout détruire. Quelques charognards opportunistes étaient le dernier de mes soucis.


Le BSI avait assuré le cloisonnement des réseaux à l'échelle planétaire, une mesure extrêmement efficace puisque les locaux n'avaient pas l'expérience de la censure et des moyens de la contourner; toutefois des rumeurs circulaient par le bouche à oreilles à propos d'évacuations prioritaire des dignitaires, de pots de vins pour prendre un transport plus vite ou encore d'invasion thrawnienne camouflée en évacuation.

Manquant d'informations fiables et brutalement confrontés à une situation terrifiante, les civils étaient perméables à toutes ces rumeurs. Leur peur pouvait à tout moment se muer en panique et en colère destructrice.


Plus rassurant près de trois millions de volontaires s'étaient déjà proposés pour rester sur Terranie à la demande du président, et ce chiffre montait rapidement. Ils n'étaient pas assez nombreux pour faire une vraie différence, mais le symbole que représentait ces volontaires était précieux: ils montraient à tous un exemple propre à apaiser la peur ambiante, à maintenir l'ordre et la dignité.

Plus tard ils deviendraient les héros du peuple, qui tenterait d'oublier sa fuite apeurée en mettant en avant leur courage face au danger.


Évidemment la plupart des volontaires espéraient l'évacuation prioritaire de leurs proches. Je laissais à Verla et à Scrubs le soin d'organiser cela; l'amiral était un logisticien hors pair bien complété par le général, meneur d'hommes expérimenté. J'avais toutefois demandé des rapports fréquents, afin d'adapter ma stratégie.


-L'escadron spécial a été déployé près du pylône principal du bouclier planétaire, indiquait Scrubs. Le cent onzième régiment a établi une solide défense anti-aérienne et un périmètre de sécurité, selon vos ordres.

-Excellent. Continuez comme prévu.

-Mon seigneur ce déploiement au sol me semble superflu, intervint l'amiral Verla. Mes vaisseaux assurent déjà la couverture de la zone depuis l'orbite et Piepie le sait grâce aux sondes qu'il envoie toutes les minutes. Il ne peut pas faire atterrir de troupes sans de terribles pertes et les défenses terranienne tailleraient en pièces les survivants.


Je regardais distraitement le schéma tactique des forces à l'oeuvre autour de Terranie.


-Vous sous estimez les compétences de notre adversaire amiral, répondis-je. La question n'est pas de savoir comment Piepie compte forcer votre blocus, mais de savoir ce que nous ferons une fois qu'il aura réussi. Kress et la deuxième flotte seront là dans trois heures; d'ici là continuez comme prévu. 


À plusieurs millions de kilomètres de là, l'immense armada de vaisseaux de guerre volait vers le point de saut de Csillia. Quelques vaisseaux venus de la planète glacée rejoignaient la formation à peine sortis des chantiers spatiaux. Au total près de 15 000 bâtiments de ligne, prêts au combat.


Observant la flotte depuis l'écran mural de sa cabine, Varig ne pouvait s'empêcher de ressentir un sentiment de puissance et de fierté devant ce déploiement de force. Mais il était assombri par la conscience que cette flotte était la dernière ligne de défense qu'il restait à la Triplice, et que l'armada pirate qu'ils allaient affronter était plus grande encore. Comme Thrawn l'avait prédit, la bataille de Terranie serait soit la plus grande victoire de l'alliance soit sa pire défaite.


La porte de la cabine signala soudain un visiteur. Varig n'accéda même pas à la caméra pour vérifier son identité; il savait déjà de qui il s'agissait.

Red s'engouffra dans la cabine et vérifia d'un rapide coup d'œil qu'ils étaient seuls avant de l'enlacer avec force. Le chevalier lui rendit son étreinte.


-Tu avais dit que tout allait bien, gronda-t-elle dans son cou.

-Désolé, répondit Varig. Si je t'avais dit ce que j'allais affronter Kress tu aurais essayé de m'en dissuader.


La jeune femme se dégagea, sa mine des mauvais jours.


-Évidemment. C'était stupide!

-Mais je devais le faire.


Red leva les yeux au plafond.


-Je t'en veux pas de l'avoir fait crétin... Je t'en veux de m'avoir mentit.

-Je n'ai pas... commença Varig.

-Ne rien dire c'était pareil, n'essaie même pas de jouer pas sur les mots, gronda-t-elle. Je veux... Si tu me fais encore un coup pareil je... Je...


Elle tremblait, perdant ses mots. Sa détresse frappa le chevalier bien plus violemment que si elle l'avait giflée.


-Je te le promets, lâcha-t-il avant de la prendre doucement dans ses bras. Plus de mensonges. Plus de secrets.


De longues secondes s'écoulèrent avant qu'elle ne lui rende son étreinte. Il restèrent ainsi enlacés un moment, silencieux.


-La bataille va être aussi dure que les rumeurs le disent? demanda Red, sa tête posée contre le torse de son compagnon.

-Pire, répondit-il.


Il n'ajouta rien d'autre. Thrawn croyait en leur victoire, mais à quel prix?


-Ça ira, lâcha Red. On s'en sortira. On s'en sort toujours.


C'était un vœu pieu, pourtant il apaisa un peu Varig. Une part de lui aurait aimé envoyé le Spectre et son équipage loin de cette bataille. En sécurité. Mais ça aurait été trahir les hommes et les femmes du vaisseau, ce qu'ils étaient et ce pour quoi ils se battaient. Ils combattraient tous ensemble, comme ils l'avaient toujours fait.


-Tu as raison, lâcha-t-il doucement, serrant sa compagne un peu plus fort.


On s'en sortira. On s'en sort toujours.

La Dernière Étoile - Tome 2 : ChuteOù les histoires vivent. Découvrez maintenant