Chapitre 47

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C'est là, sans cesse à repasser dans ma tête. Ce qu'il s'est passé hier soir ne fait que se balader dans ma tête. Je voulais oublier. Je pensais que j'oublierai. Parce que je n'ai jamais aucun mal à oublier les choses qui me dérangent. Je pensais que je n'y repenserai pas. Et pourtant, c'est bien là. Pas seulement le moment où on s'est embrassés, mais aussi le moment où j'ai vu cette larme déchirante couler sur sa joue. Voir quelqu'un pleurer ne m'avait jamais fait autant de mal, à part Pierre. J'avais la sensation de ressentir tout ce qu'il ressentait à ce moment-là, comme si ses émotions m'avaient contaminée violemment, aussi facilement qu'on attrape une grippe juste en serrant la main de quelqu'un de malade. Je m'étais heurtée à sa douleur accablante.

Et puis il y a ça. Ce moment-là. Ce moment où nos lèvres se sont rencontrées, et ce baiser prolongé qu'on a partagé, comme deux personnes s'aimant l'une l'autre s'embrasseraient. Pourtant, il n'en était rien. Nous ne nous aimons pas de cette façon. On s'apprécie. Mais ça ne va pas plus loin. Peut-être qu'il y a un peu d'attachement aussi. Mais pas à ce point.

Tout ça, tous ces souvenirs encore bien frais, me polluent la tête depuis mon réveil d'une nuit raccourcie. Ils sont là par moment, et ressurgissent sans crier gare. A n'importe quel moment. Ce matin, après m'être habillée, je me coiffais quand je me suis égarée dans mes pensées. Ça a duré une éternité, et pourtant, ça m'a semblé ne durer qu'une seconde. C'est lorsque j'ai lâché maladroitement ma brosse que je suis revenue sur terre. Je me suis regardée un instant dans le miroir qui me faisait face, et j'ai été profondément surprise de la façon dont mes pensées s'étaient retransmises sur mon visage.

Puis je réitère la même chose. Mais je ne parviens pas à m'en détacher. Pourquoi ? Comment en sommes-nous arriver là ? Et ce rêve, la nuit de notre retour de la reconquête du mur Maria, ne fait que se coupler à ce souvenir. Ce n'est pas la première qu'on avait failli s'embrasser. Mais cette fois, on était allés au bout. On a franchi la limite d'un unique pas. Et à chaque fois que ça avait manqué de se passer, c'est parce que l'un de nous souffrait terriblement. C'est parce qu'on a mal qu'on en est arrivé là, comme si nous embrasser pourrait nous permettre d'aller mieux, au moins l'espace de quelques secondes partagées aussi proches l'un de l'autre.

- Eh... Eh ! Eline ! Reviens sur terre bon sang ! On te parle !

Je sursaute quand quelqu'un pose ses mains sur mes épaules, et me secoue, et enfin, je me détache de mes songes. Je relève la tête vers Jean, qui debout penché au-dessus de la table me secoue encore.

- Jean, arrête de me secouer dans tous les sens, je vais finir par gerber ce que je viens d'avaler, marmonné-je.

Il se recule, et se rassoit finalement.

- On peut savoir ce que t'as depuis ce matin ? T'es vraiment ailleurs. C'est le retour à la caserne qui te met dans cet état ? Me demande-t-il tandis que j'attrape ma tasse.

- Non... soufflé-je juste avant de boire une gorgée de mon thé, les yeux baissés vers mon pain que je n'ai même pas encore beurré, alors que les autres terminent leur petit-déjeuner.

- Tu as encore mal quelque part ? Me demande Armin.

- Non plus. Je sais pas ce que j'ai. Laissez-moi tranquille.

Je les vois s'envoyer un regard chacun, sans prêter plus attention à eux. Je n'ai envie de parler à personne aujourd'hui.

- Ecoutez-la, la mort de son frère doit encore lui peser lourd, intervient Floch, assis au bout de notre table.

Je me lève en buvant la dernière gorgée de mon thé, sans avoir touché à mon pain resté indemne.

- Tu ne manges rien ? Me demande Mikasa.

27 et une émotions (Livai/Levi x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant