Chapitre 4

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Ça m'en brûlerait presque. J'avais pris l'habitude de prendre des douches froides depuis longtemps. Je n'avais pas eu le droit à une douche à l'eau chaude depuis des années. La sensation de l'eau chaude ruisselant sur mon corps détend l'ensemble de mes muscles et mon esprit. Je me mets à penser à rien, pour gagner un néant confortable. Ce vide que j'ai appris à accepter, avec lequel je cohabite depuis presque toujours.

Mes plus lointains souvenirs remontent aux quelques années de mon enfance que j'ai passées normalement, avant que tout vienne tout bousculer et me plonger en enfer. Ils se sont effacés peu à peu. Je n'en garde que des images floutées. J'ai oublié leurs visages, j'ai oublié leurs voix, j'ai oublié qui ils étaient, et qui j'étais à l'époque. Je ne me souviens pas de l'enfant que j'étais.

Mon cerveau a oublié tous ces détails pour laisser la place aux souvenirs se créant les uns après les autres durant les quatorze années qui viennent de s'écouler. Quatorze ans. Quatorze ans se sont écoulés depuis ce jour où j'ai fait tout chavirer. Ce jour-là est le souvenir le plus ancien et le plus net que j'ai. Tout ce qu'il y avait avant ça, je l'ai oublié. Leurs visages sont floutés, leurs voix sont modifiées, je ne parviens pas à retrouver la réalité de ce monde ancien qui me parait appartenir à une autre vie. Je me demande même si j'ai vécu ces quelques images, ou bien si encore une fois, c'est quelqu'un d'autre qui les a vécu à ma place.

Je n'ai aucun espoir. Je sais que je n'aurais certainement jamais le droit à une vie normale, sans embuche, libre de cette force qui s'impose à moi. Mais malgré tout, je préfère encore la vie que je les supplie de me donner, plutôt que celle que je menais il y a encore quatre jours. J'ai envie de croire que tout vient encore d'être bousculé, et que je n'y retournerai jamais. J'ai peur de ce qui m'attend, peu importe la décision qu'ils prendront. Mon destin ne m'appartient pas, mais se trouve actuellement entre leurs mains. Je crains de ne pas trouver le calme et le repos. Je ne le trouverai certainement pas avant de mourir. Mais ce n'est pas ce que je cherche. J'ai arrêté de le vouloir il y a longtemps. J'ai appris la leçon. Ne croire en rien, ni en l'espoir, ni en les mots, ni en les autres. Je crois que c'est la seule chose que la vie m'a appris jusqu'à maintenant.

De la brume s'échappe de l'eau que j'ai monté dans des températures plus hautes que jamais. Ça fait du bien, véritablement du bien. C'est une sensation que je pensais ne plus jamais ressentir. Malgré les ecchymoses et les plaies, je ne m'étais pas sentie aussi bien dans mon corps depuis longtemps. Habituellement, je le subis et je fais avec.

Je finis par éteindre le pommeau de douche, et m'enrouler dans ma serviette. Je m'assois sur le sol dans la cabine de douche, et me laisse me sécher sans ne rien faire. Je ferme les yeux. Aussitôt mes paupières closes, des images surviennent. Je suis habituée à tout ça, à les subir, à les entendre, à les voir couler devant mes yeux. Certaines sont plus difficiles que d'autres. Certaines ne me font plus rien. Et certaines restent insoutenable, même après les avoir vues des milliers de fois. Je rouvre les yeux au moment où une image plus difficile surgit. Le temps a coulé, je suis sèche. J'observe un instant les vêtements qu'on m'a prêté. Une certaine Mikasa d'après ce qu'on m'a dit. C'est gentil de sa part. Je serai plus à l'aise là-dedans.

On est seulement le soir. La journée est interminable. Elle me parait sans fin. Sûrement parce que depuis que j'ai quitté la pièce rien ne se passe. Ils m'ont dit avoir besoin de temps pour réfléchir. Ça ne veut dire ni oui ni non. Ça ne veut rien dire en fait. Malgré tout, une journée où rien ne se passe est sans doute plus agréable que les journées que j'enchainais avant. Je n'ai simplement pas l'habitude de voir le temps couler de cette manière.

Je m'habille, et je sors. Le couloir est plongé dans l'obscurité. La nuit est tombée. Je commence à avoir faim. Je m'en aperçois lorsque j'entends mon estomac gargouiller. Je n'ai rien mangé depuis trois jours. Je meurs vraiment de faim. Ils ne m'ont rien indiqué, ni la localisation du réfectoire, ni celle des douches que j'ai dû chercher toute seule, ni quand est-ce qu'ils me donneraient leur réponse. J'essaie de ne pas y penser. Je dois les déranger avec tout ça, et le savoir m'angoisse. Après tout, ils m'ont déjà aidée. Ils m'ont ramassée dans la rue et m'ont amenée ici pour que je sois en sécurité. Ils ont déjà fait beaucoup. Et je ne les en ai même pas encore remerciés.

27 et une émotions (Livai/Levi x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant