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Sur le perron devant l'entrée, je secoue mon parapluie alors que Livaï entre sans m'attendre. Si jusqu'à maintenant je pouvais encore maîtriser mon angoisse, désormais, elle a pris le dessus sur moi et je ne peux plus rien sentir d'autre que cette pression accablante sur ma poitrine. Elle traverse toutes mes veines pour venir les inonder dans l'ensemble de mon corps, à en faire trembler mes mains et mes jambes. Ma vision s'en noircie presque, ma tête se met à tourner. Je sais ce qu'on fait ici. Et je n'ai pas envie d'entrer. J'aimerais rester sur le pas de la porte, à regarder les gouttes tomber du bord du toit pour se confondre à celles tombées juste avant.
- Eline, on y va, me dit Livaï, ressorti une minute plus tard.
- Je risque de te détester très fort, t'es au courant ? Lâché-je, la voix tremblante.
- Je te l'ai déjà dit, tu peux me haïr si tu en as envie, ça m'importe peu. Je ne fais pas ça pour ta reconnaissance. Je le fais parce que c'est ce qui me paraît être le plus juste.
Je lâche un soupir. Mon parapluie tombe dans un faible bruit, tant mes mains tremblent. J'ai peur. Si peur. De ce qu'il va arriver, de ce que je vais avoir à dire, de ce qu'on va me dire. Mais il se baisse, et reprend mon parapluie déposé sur le sol, puis quand il se relève, il m'attrape une épaule, et me tire vers lui, pour m'enlacer dans un unique bras vigoureusement, la main déposée dans mes cheveux.
- Tout va bien se passer, je te le promets, me souffle-t-il par-dessus la pluie.
Il ne sait pas ce par quoi je dois passer tous les jours. Ces cauchemars qui ressurgissent même quand je suis éveillée, ces sensations que j'ai encore qu'on fasse de moi ce que l'on veut, l'impression de n'avoir aucune intégrité, aucune dignité, de n'être qu'un objet.
Il me lâche bien vite, bien trop vite, parce que j'aurais aimé rester dans ses bras plutôt qu'entrer à l'intérieur. Il m'attrape la main pour me tirer avec lui à l'intérieur. Je le suis, sans rien dire, haletante. Chaque pas que je fais me paraît être le dernier, comme si j'allais m'écrouler au suivant. On m'assoit enfin sur une chaise. On me serre un verre d'eau. Je me laisse complètement faire par l'angoisse. Je l'accepte elle aussi, et m'enferme dans un autre monde, où cet endroit n'existe pas, où je suis complètement seule, loin de tout. Comme enfermée dans une pièce noire, illuminée seulement de la flamme d'une bougie, sans aucune fenêtre, cette même pièce où j'étais enfermée continuellement quand je n'étais pas dans la chambre d'un homme parmi tant d'autres, ou celle d'un hôtel, ou bien d'un hôpital.
- Bonjour Eline, me dit un soldat, assis en face de moi.
La largeur de son bureau nous sépare. Livaï est assis juste à ma gauche, regardant l'officier. Deux piles de papiers, montant presque au-dessus de ma tête, sont posées sur le bureau. Je relève la tête, et parcours des yeux la pièce. La porte est en bois foncé, d'un marron peu naturel, et verni récemment. Les murs sont peints en un blanc immaculé, et tapissés de différentes affiches. Des pages de lois, des articles d'affaires. Derrière le soldat, l'immense tableau en liège est recouvert de différentes pages, de portraits de personnes que je n'ai jamais vues, d'écritures à l'encre noire, griffonnées par-dessus à l'encre rouge en un peu plus gros, comme pour corriger ce qu'il y est écrit. Puis au fond de la pièce, une grande fenêtre, qu'on ne peut probablement ouvrir qu'en oscillo-battant, encadrée de rideaux gris. Sur le mur encore, des dessins fait par des enfants, probablement les siens, colorant un peu la pièce jusque-là aux tons répétitifs et fades.
- Bonjour, réponds-je.
Je n'ose même pas lancer un quelconque regard à Livaï, même si je sais qu'il est là, de par son odeur qui a enveloppé la pièce, mais aussi par la sensation de sa présence qui ne passe jamais inaperçue. Je reconnais le soldat. Il était là à la cérémonie. C'est aussi lui qui m'avait interrogée lorsqu'il était venu à l'orphelinat, il y a six ans.
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27 et une émotions (Livai/Levi x OC)
FanfictionComment deux êtres en train de se noyer pourraient-ils se sauver l'un l'autre ? Quant bien même ils s'aimeraient suffisamment fort, l'un finirait par se sacrifier pour sauver l'autre. Peu importe leurs efforts pour nager main dans la main jusqu'à la...