Chapitre 50

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- Quoi ?! M'exclamé-je. Plus un seul ? Vous êtes sûr ?

- Oui. Avec la tempête, la rivière est beaucoup trop agitée. Pas de ferry avant demain matin, me répond-il.

Je lâche un soupir, désespérée. Je suis donc bloquée ici, avec Livaï dans les parages, sous la pluie, sans endroit pour m'abriter. Elle s'est encore intensifiée, et le ciel s'est encore plus noirci. Je pensais qu'elle allait finir par se calmer, mais c'est tout le contraire, plus le temps passe, et plus elle augmente en intensité. C'est presque comme s'il faisait nuit, alors que nous sommes en pleine journée. Et visiblement, le réseau de ferry est arrêté par sa faute. Tout ce que je peux espérer, c'est que vingt heures arrive rapidement. Je rejoindrai le point de rendez-vous au dernier moment, et je me contenterai de faire le voyage avec lui, sans lui adresser un mot. De toute façon, lui aussi ne doit pas avoir envie de me parler. On s'est aboyés dessus l'un l'autre, et je le vois mal tenter de me dire quoi que ce soit. On n'a plus rien à se dire. Tous les non-dits que nous gardions pour nous jusqu'à aujourd'hui ont enfin été révélés, et c'est irréparable.

Je n'ai pas changé d'avis, je veux partir. Je n'ai rien à faire là-bas. Je n'y ai probablement jamais eu ma place. Et maintenant que Noah n'y est plus, absolument rien ne me retient. Peut-être un peu l'attachement que j'ai aux autres, mais ça me passera vite. Je ne sais même pas si c'est réellement la solution. Il ne mérite probablement pas que je fasse un tel sacrifice pour lui. Après tout, cet endroit était un peu devenu ma maison. Et tous ces gens, une grande famille. D'ailleurs, ils veillent sur moi bien plus que je veille sur eux. J'ai peur de leur réaction. Je ne sais pas ce que je préfère : qu'ils soient complètement indifférents, ou bien qu'ils tentent de me retenir ?

J'abandonne l'idée de rentrer en ferry, et me dirige à un salon de thé, pour profiter de la chaleur de l'intérieur et d'une bonne boisson chaude. La gorge nouée, je ne pense même pas être capable d'avaler quoi que ce soit. Mais rester dehors pour l'instant est la dernière chose dont j'ai envie. Déjà trempée de la tête aux pieds, si je peux au moins me sécher un peu.

Je m'assois en intérieur, sur une table de deux au fond du salon qui se trouvait le plus près de là où j'étais. Il est un peu vieux, dans un style ancien. Les poutres au plafond sont visibles, et traversent la pièce dans toute sa longueur. Le comptoir est en bois un peu plus clair, quasiment le même que les tables. Il est assez peu animé. Seulement trois tables sur une dizaine sont occupées. Mais le calme qui y règne le rend plus qu'agréable, en ajoutant la chaleur à la tranquillité.

On m'apporte ma tasse. Je verse un sucre dedans, et commence à remuer ma cuillère, fixant la vapeur qui s'en échappe. J'entoure une main sur la tasse, pour absorber encore un peu de chaleur. Je suis frigorifiée. La dernière fois que j'avais eu froid comme ça, c'est sur le chemin du retour de la bataille de Shiganshina, allongée dans le chariot, et grièvement blessée. Ça me parait à la fois lointain et proche. Je ne garde aucune séquelle de ma blessure, mais la mort de Noah, elle, a laissé de lourdes blessures, que rien n'arrive à guérir. Ça ne cicatrise pas. Je ne m'y fais toujours pas. Tous les matins au réveil, j'espère le voir au réfectoire, prenant son petit-déjeuner. J'ai même parfois l'impression d'entendre sa voix ou son rire. Je l'entends m'appeler. Mais il n'est jamais là. Parce qu'il est parti.

J'attrape le cadre que j'ai récupéré aux brigades spéciales. Je l'observe plus attentivement en attendant que mon thé refroidisse. Il est ancien, au moins aussi vieux que le temps que j'ai passé loin de mon frère. Le papier s'est jauni, le crayon a fondu, la vitre est un peu poussiéreuse, mais ça ne lui retire en rien sa beauté. Ce portrait où Noah et moi sommes au centre, souriant jusqu'aux oreilles, entourés de nos parents, qui sourient aussi innocemment que nous. J'avais oublié leur visage. Je ne m'en souvenais plus, et c'est que maintenant que je récupère ce précieux souvenir. J'aimerais aussi récupérer leur voix, mais malheureusement, c'est bien trop ancien pour que je puisse espérer un jour les entendre dans ma tête.

27 et une émotions (Livai/Levi x OC)Où les histoires vivent. Découvrez maintenant