27 et une émotions (Livai/Levi x OC)

Chapitre 88

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Je n'aurais jamais cru qu'un jour entendre un cœur battre compterait autant à mes yeux. C'est le genre de choses auxquelles on fait rarement attention. Après tout, c'est normal que le cœur de quelqu'un batte. C'est ce qui le maintient en vie, et si on peut l'entendre, c'est simplement parce qu'on est suffisamment proche de la personne pour l'entendre.

Si j'entends son cœur battre là, c'est parce que je suis allongée juste à gauche, et que j'ai posé ma tête à l'emplacement de son cœur. Mais pouvoir l'entendre et le sentir relève tout simplement d'un incroyable miracle. A chaque battement, il renvoie son sang mêlé au miens au reste de son corps. J'ai l'impression de pouvoir l'entendre s'écouler dans ses veines.

Dans un lointain rêve, je réentends le cri qui m'a échappé lorsque j'ai reçu son sang au visage. J'ai un peu l'impression de le revoir s'écrouler devant moi. Mais ça m'importe peu, il est en vie. Tout ça est derrière nous maintenant. Pendant trente affreuses minutes, j'ai forcé son cœur à battre. J'étais épuisée à la fin, sans plus aucun espoir. Je n'arrivais même plus à respirer. Je sentais l'air me déchirer les poumons à chaque inspiration, mais il est en vie. C'est son cœur que j'écoute battre.

Quand Hange m'a dit qu'il était mort, je savais au fond de moi que c'était probablement vrai. Je savais que m'acharner ne servirait à rien. C'était sans espoir. Et pourtant, il est toujours vivant. Quand j'ai abandonné, je m'en suis voulu terriblement. J'avais l'impression de l'abandonner lui. Je voulais le ramener à la vie. J'étais prête à tout pour ça. Mais je n'ai pas eu d'autre choix que d'accepter qu'il soit parti. A ce moment-là, une partie de moi est morte de l'intérieur je crois. Et je ne sais pas si cette partie s'est ravivée quand j'ai entendu son cœur battre par miracle.

J'ai cru que plus jamais je n'aurais l'occasion de monter sur le toit avec lui pour y regarder les étoiles en discutant de la pluie et du beau temps. Tout a défilé sous mes yeux, comme lorsqu'on est en train de mourir. J'ai repensé à tous les moments que j'ai passé avec lui, des plus anodins aux plus marquants. J'ai rêvé de pouvoir un jour le revoir sourire comme c'est rarement le cas. Juste une dernière fois. Peut-être que si avant que nous partions, je l'avais vu sourire, je l'aurais laissé partir plus facilement.

Je me suis aperçue comme j'aimais le sentir me serrer dans ses bras, comme j'aimais le sentir à mes côtés. Je me suis aperçue que je n'étais pas seulement amoureuse de lui, mais aussi de tout ce qu'il l'entourait. Sa voix, son odeur, ses yeux, son humour un peu particulier, sa présence... On ne tombe pas amoureux d'un corps ou d'une apparence, mais bien d'une âme. Et si on souffre quand la personne nous fait ses adieux, c'est parce que l'âme s'en va avec lui. Le corps reste sur Terre lui, mais l'âme s'envole à des milliers de kilomètres de nous. Alors, on perd cette chose dont on est tombé amoureux, et on tombe d'un très haut mur.

Au fond, je crois que je n'oublierai jamais ce jour. Même s'il est encore là, même s'il est miraculeusement revenu à la vie, je ne parviendrai pas à oublier l'horreur par laquelle nous venons de passer. Le regard d'Hange quand elle a compris avant moi qu'il ne survivrait pas restera à jamais gravé dans ma mémoire. Je n'oublierai jamais que la première fois que je l'ai vue pleurer, est ce jour où Livaï est mort avant de revenir parmi nous. J'ai l'impression de n'avoir même plus de quoi pleurer, peu importe ce qui pourrait m'en donner la raison, tant je me suis vidée de mes larmes et de mon énergie en m'acharnant.

Je suis bien là, juste à sa droite, l'oreille contre sa poitrine pour écouter son cœur battre et ses poumons se remplir et se vider d'air. Je crois que le jour s'est levé, mais je suis vraiment bien. J'attendrais les yeux fermés qu'il se réveille tout le temps qu'il faudra. C'est calme. Ça fait du bien, tout ce calme. Ça fait du bien de n'entendre rien d'autre que le chant matinal des oiseaux, le mistral frais du mois d'octobre qui glisse sur mes joues froides, les ébrouements de nos chevaux qui se reposent après la folle cavale qu'on leur a infligée.