La librairie Galignani fondée par les frères éponymes perdurait depuis près d'un demi siècle. Elle se muait en un lieu emblématique pour tous les férus de livres, proposant un vaste assortiment d'ouvrages dans une variété de langues, notamment en anglais, faisant découvrir ainsi aux français l'art d'écrire britannique et américain.
En franchissant le seuil, on se trouvait assaillit d'un délicieux conglomérat d'effluves distinctes, tels que l'émanation du cuir des reliures soigneusement entretenues, les feuillets jaunis par les années et l'encre séchée. Les amateurs de littérature se repaissait volontiers de ces arômes qui les transportait dans une atmosphère enveloppante, presque mystique, et les invitait dans un voyage sensoriel unique à travers les mots et les pages. Ce sentiment s'en trouvait décuplé quant à l'agencement de l'espace.
La pièce maîtresse déployait son ampleur, de hautes étagères en chêne massif s'élevaient majestueusement du sol jusqu'au plafond. Les livres éparpillées çà et là rendait la pièce d'autant plus chaleureuse. En dépit de son aura inconnue, la librairie proférait un sentiment de quiétude, comme si elle leur était familière depuis toujours.
Le parisien moyen ayant regagné son travail, les deux jeunes filles se retrouvèrent quasiment seules dans la boutique pour leur plus grand plaisir et se séparèrent rapidement pour se perdre parmi les rayonnages. Romans, essais, recueils de poésie, livres d'histoire et de philosophie... Il y avait là de quoi occuper une vie entière à la lecture. Effleurant délicatement les ouvrages ordonnés avec soin, Élinor fut soudainement interpellé par l'un d'eux. Fraichement paru, il arborait une mention honorable du libraire. Sans plus tarder, elle le saisit pour lire l'intitulé.
— La Lettre écarlate. Une bien jolie histoire sur les affres de la condition humaine. Je vous le conseille vivement si les méandres de notre esprit vous intéresse, annonça une voix suave par-dessus son épaule.
Dans un sursaut, Élinor fit face à son mystérieux interlocuteur. Celui-ci arborait une silhouette imposante et athlétique dont on pouvait aisément deviner la musculature au travers des plis de son veston. Malgré la distance raisonnable qui les séparait, la demoiselle dut relever le menton pour rencontrer son regard car l'inconnu la surplombait de deux têtes environ. Son visage anguleux possédait des traits forts et expressifs, encadrés par des cheveux sombres soignés, ramenés à l'arrière et maintenus en place avec de la brillantine. Ses yeux perçants et pénétrant semblaient toujours en alerte, traduisant une certaine intelligence empreinte de malice.
Il la gratifia d'un hochement de tête courtois, soulevant avec délicatesse son haut-de-forme pour témoigner son respect, tout en agrémentant ces gestes d'un sourire désinvolte. Malgré tous ses apparats d'homme du monde aristocratique, il semblait n'avoir que faire des convenances et se jouait des manières qui en découlait. Après réflexion, n'importe quel bellâtre opulent pouvait se prévaloir de tels vêtements, pour peu qu'il en ait les moyens.
— C'est intéressant, répondit Élinor d'un ton involontairement incisif, trahissant sa méfiance à l'égard de cet individu anonyme.
— Vous ai-je fait peur, demanda-t-il avec sarcasme.
— Vous m'avez surprise voilà tout, répliqua-t-elle promptement.
— Pardonnez mon audace mais, ne nous serait-il point advenu une rencontre fortuite à tout hasard ? Votre visage m'est vaguement familier, l'interrogea-t-il, la dévisageant avec attention, soucieux.
— Ah oui ? Ce n'est pas mon cas, vous devez faire erreur, le rabroua-t-elle en pinçant ses lèvres pour manifester son agacement.
— Enfin peu importe. Enchanté mademoiselle, je suis Aron Ashford.
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Élinor
Tarihi KurguProvins, 1850. Héritière d'une puissante famille bancaire parisienne, Élinor Ausbourg se délecte de la quiétude de sa campagne natale, loin des agitations tumultueuses de la Ville Lumière. Telle une âme solitaire, elle trouve refuge dans la nature e...