Le mariage fut grandiose.
Le couple avait investi dans une opulence et un faste tels que le résultat rivalisait avec les réjouissances impériales. Élinor a même jugé opportun d'étendre les invitations jusqu'à Napoléon III et l'impératrice Eugénie, afin de cultiver leurs bonnes relations. En qualité de premier fournisseur de la couronne en métaux dans ses usines d'armements, celles-ci détenues par son époux, et en tant que directrice d'honneur d'une banque prodiguant de généreux dons aux œuvres caritatives, il aurait paru inconvenant que l'Aigle décline l'invitation. Cependant, l'empereur, homme perspicace, savait pertinemment qu'il était préférable de s'attirer les faveurs des grosses fortunes plutôt que de les rendre antagoniste. Après tout, il convient de rappeler que la Révolution ne débuta point par un soulèvement du peuple contre la monarchie en place, mais bien par une révolte d'une bourgeoisie éminente.
Pour leur part, Aron et Élinor ne représentaient nullement une menace en tant que fervents partisans du pouvoir impérial, animés par une profonde nostalgie pour le Premier Empire dont les parents s'étaient évertués à leur chanter les louanges durant leur enfance. Enfin, il était tout à fait naturel pour un homme d'État de se montrer circonspect, et ils ne lui en firent point grief.
La demoiselle attendait patiemment d'être appelée à l'avant, dans une vaste pièce, où elle se tenait seule, face à elle-même et à ses appréhensions, habillée d'une somptueuse robe blanche constituée de plusieurs couches de soie, ornée de dentelle, de tulle, de perles, de strass et de broderies complexes. Elle était magnifique, une magnifique poupée apprêtée comme la plus pourvue des reines. Son regard scrutait avec attention son propre reflet à travers le fin voile blanc qui obscurcissait sa vision, seul miroir à sa disposition. Oui, elle était superbe et sereine, d'une sérénité inébranlable.
Elle aurait tant souhaité que son père fût là pour la guider vers son promis. Alors qu'elle divaguait, submergée par la mélancolie, elle crut ressentir une pression délicate sur son épaule, évoquant brièvement la chaleur de la poigne paternelle. Emplie d'espoir un court instant, elle se tourna vivement pour surprendre le fantôme espéré, mais, comme elle le savait au fond d'elle-même, nulle silhouette familière ne se dessinait. La jeune femme caressa précautionneusement sa clavicule, là où aurait été les doigts de son géniteur puis laissa échapper un ricanement sinistre, et referma le poing dans un geste de résignation.
Un sourire amer éclaira son visage, réalisant à quel point elle serait seule pour faire face à cette épreuve. Avec élégance, elle chassa du bout de la main une larme qui menaçait de perler sur sa joue, risquant de brouiller son maquillage. Elle avait réussi à maintenir sa dignité jusqu'ici, et elle ne flancherait pas si près du but. Soudain, on frappa à sa porte, et elle se releva avec résolution.
— Ta petite princesse s'apprête à se marier, papa. Remarque combien j'ai grandi. J'ai parcouru un long chemin pour en arriver là. Tu en es fier, n'est-ce pas ? Tu me le disais si souvent, murmura-t-elle en saisissant son bouquet.
Elle frappa à son tour pour signifier qu'elle était prête, puis prit une profonde inspiration tandis que les grandes portes s'ouvraient lentement sur l'immense salle de réception richement décorée pour l'occasion. Tout y était si resplendissant et étincelant qu'elle s'en trouva presque éblouie. Au cœur de cette éclatante scénographie immaculée, elle aperçut une ombre noire se dessiner et percer la lumière.
Il se tenait droit devant le maire, lui aussi superbement vêtu. En les voyant tous les deux habillés de manière si clinquantes, Esther ne put s'empêcher de penser qu'ils apparaissaient ridicules tant la dépense pour toutes ces festivités avait été excessives. Ils n'étaient pas ravis ni passionnés, seulement fiers comme des paons. Ils saluaient l'assemblée avec des sourires, certes étincelants, mais complètement artificiels.
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Élinor
Ficción históricaProvins, 1850. Héritière d'une puissante famille bancaire parisienne, Élinor Ausbourg se délecte de la quiétude de sa campagne natale, loin des agitations tumultueuses de la Ville Lumière. Telle une âme solitaire, elle trouve refuge dans la nature e...