Leurs nuits furent longues mais le repos se refusait à eux, rare et insaisissable.
Aron, chaque soir, se consacrait avec une persévérance exemplaire à rappeler à sa tendre épouse les clauses impalpables de leur contrat conjugal. Élinor, initialement confuse par cette cérémonie, accablée par son ignorance totale des usages en la matière, se laissait graduellement envoûter par le rituel, cédant aux charmes qu'il déployait dans l'exercice.
Ils explorèrent prestement les plus somptueuses suites de la ville de New York, suscitant rapidement l'éveil des hôteliers locaux à l'égard d'un couple de riches bourgeois français, intégrant avec aisance les cercles mondains américains. Aucune réticence n'émaillait leur propension à la dépense, et ils parsemaient leur sillage de pourboires opulents. Aron et Élinor ne dédaignaient point mentionner leur nom, conscient que l'opportunité pouvait éclore à tout instant, et le monde des affaires se repaissait de relations fructueuses. C'est ainsi que pour leur plus grand plaisir, ils se retrouvèrent assiégés de toutes parts, les hôteliers des environs rivalisant d'attentions pour se concilier leurs faveurs et espérer leur offrir leurs services, dans l'espoir de moissonner le précieux pactole.
Cette débauche d'aménité les enveloppait d'une ivresse enchanteresse. Le beau monde américain, moins guindé que la société française, ils ne s'embarrassaient plus autant des convenances et leur attitude s'affranchissait de toute dissimulation modeste à l'égard des humbles, fervents défenseurs des bonnes mœurs. Parées d'ornements de plus en plus flamboyants, ils se prélassaient dans les rues pavées, tels des paons en parade. Leurs manières et leurs atours, par moments, flirtaient avec le grotesque, tant cette prodigalité d'argent semblait excessive et dénuée de justification.
Peut-être se laissait-il emporter par l'ivresse de la nouveauté, ou assurément cédaient-ils à la pente déclinante de la médiocrité. Ils ne se livraient guère à une réflexion pragmatique, s'abandonnant de bonne grâce, consumés par les caprices et leurs désirs les plus superficiels, glissant doucement vers une banalité décevante qui s'épanouissait sans contrainte.
Après avoir parcouru les contrées de la Californie, où les vastes plaines s'étalaient encore sous quelques couches résiduelles de neige, ultimes vestiges des gelées tardives d'un printemps déjà bien enclenché, et ayant contemplé avec émerveillement les majestueuses montagnes de la Sierra Nevada, ainsi que les méandres sinueux de ses rivières, animés par le récit croustillant de certains riverains, tissant des anecdotes où s'entrelaçaient des destinées remarquables, des existences exceptionnels et des déchéances pitoyables, ils entreprirent la quête des téméraires chercheurs d'or. Leurs esprits se remémorèrent brièvement l'admiration que leur suscitait les caractères ambitieux. Le couple espérait donc trouver ces opiniâtres dans des camps de mineurs surgissant çà et là. Des agglomérations éphémères ou le vacarme des pioches se mêlait à celui des tamis et s'élevait tel un hymne à la chance.
Malheureusement, la fièvre de l'or qui avait enflammé les cœurs depuis la première découverte de pépites à Sutter's Mill en 1848 s'était considérablement atténuée. Au fil du temps, les infortunés et les tardifs avaient promptement déserté les terres de cette prospection aurifère, préférant migrer vers des horizons plus cléments, s'adonnant à des entreprises économiques davantage stables et rémunératrices. Toutefois, ils croisèrent en chemin quelques chercheurs acharnés, baignant dans une effervescence d'espoir qui côtoyait la réalité pragmatique de la vie quotidienne dans leurs tentes de fortune et l'air stagnant chargé de poussière. Ces optimistes et audacieux infortunés persévéraient dans leur labeur, plus par habitude ou affliction que par la seule volonté d'accéder à la fortune. Les collines de ces contrées, pareilles à des sentinelles silencieuses, observaient cette ruée incessante vers l'Eldorado, tandis que les arbres séculaires murmuraient des récits sépulcraux à ces hommes dans la vigueur de l'âge, s'épuisant au travail.
Élinor eut un instant de lucidité où elle se remémora ses nuits passées le nez plongé dans sa comptabilité, et, dans un élan de miséricorde, leur offrit quelques pièces. Une charité qu'ils acceptèrent avec une humilité exempte de toute réticence. Aron se montra plus généreux encore et leur paya une tournée au bar du coin. Là où la jeune femme devait reconnaître en eux cette propension à l'acharnement au travail, lui s'identifiait davantage à ceux qui engloutissaient leur fatigue dans les vapeurs alcoolisées de la nuit. Elle aurait pu, en toute vraisemblance, également adhérer à ce concept.
Accoutumés aux délices du cognac, aux nectars des grands crus et à une pléthore de liqueurs, les autochtones leur révélèrent les subtilités du brandy et les arcanes du whisky. Nullement enclins à la privation, ils s'adonnaient sans retenue à ces libations exquises, reléguant parfois la simple nourriture au second plan. Au gré de certaines soirées, ils se laissaient happer par l'ivresse, délaissant toute pitance pour s'engouffrer dans les vapeurs enivrantes, avant de s'acheminer, non sans peine, vers leur couche. Des nuits exaltées, dont les détails s'effaçaient dans les limbes de l'oubli dès leur réveil le lendemain matin.
C'est dans cet enthousiasme qu'ils poursuivirent dans leur pérégrination à travers le Nouveau Monde, reléguant au lointain l'agitation trépidante des États septentrionaux pour embrasser avec ferveur la quiétude des vastes étendues cotonnières du Sud.
Profitant de cet apaisement, ils entreprirent une visite à leurs collaborateurs, plongeant ainsi au cœur des plantations dont la richesse prospérait sous les auspices d'une nature prodigue. C'est là, au sein de ces terres fécondes, que se dévoilèrent à leurs yeux les fameux esclaves dont Élinor redoutait la rencontre, appréhendant le poids de la culpabilité face aux sacrifices qui sous-tendaient son opulence grandissante.
Lorsque leurs pas les guidèrent vers ces âmes tourmentées, elle ne put s'empêcher de prendre en pitié ces hommes et femmes aux dos courbés sous le fardeau des ballots, leurs regards fatigués égarés vers l'horizon lointain. Elle put compatir mais dans une moindre mesure, ne ressentant pas une once de culpabilité, bien trop ravie par les pécules que toute leur activité lui rapportait. La jeune dame se soucia davantage de ne point éprouver d'affliction pour le sort des nègres dont il était question. Quand elle partagea ses pensées avec Aron, nulle consternation ne transparut sur son visage, mais plutôt un sourire moqueur, suivi d'une déclaration selon laquelle il serait étonnant de voir un jour Élinor manifester une quelconque empathie envers autrui que sa propre personne. Piquée au vif, elle riposta, affirmant qu'Aron ne semblait pas davantage touché par le sort des infortunés. Point offensé, il répliqua qu'il se gardait bien de feindre une compassion vaine, jugée superflue et n'œuvrant qu'à flatter son égo.
Cette étape dans le cours de leur voyage ne s'éleva en définitive qu'au rang d'une journée ordinaire, bien que certes plus morne, étant donné qu'ils se trouvèrent contraints de s'adonner à quelques entretiens bureaucratiques plutôt que de jouir de leur soirée à flâner dans la cité. Elle ne revêtit nullement la splendeur mémorable de leurs découvertes lors des réceptions mondaines à la Maison Blanche.
Ils pressentaient qu'un conflit, vigoureusement inévitable, allait éclater entre l'Union et la Confédération, et déjà, une allégresse avide animait leurs esprits, anticipant les gains substantiels que les tumultes de la guerre pourraient leur octroyer et ne rechignaient guère à traiter tant avec l'un qu'avec l'autre camp, car, en fin de compte, la bourse accueillait bien plus volontiers la manne sonnante et trébuchante que les scrupules délicats.
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Élinor
Ficțiune istoricăProvins, 1850. Héritière d'une puissante famille bancaire parisienne, Élinor Ausbourg se délecte de la quiétude de sa campagne natale, loin des agitations tumultueuses de la Ville Lumière. Telle une âme solitaire, elle trouve refuge dans la nature e...