Chapitre 58

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Victor trépignait d'impatience dans la luxueuse berline qui les acheminait vers le majestueux domaine Ausbourg, gigotant sur son siège, incapable de tenir en place. Aron le regardait, amusé, lui et sa bonne amie qui manifestait presque plus d'enthousiasme que l'enfant.

Elle interpellait incessamment le cocher pour lui demander presque chaque minute s'ils arrivaient bientôt à destination. Ce dernier s'excusait platement, d'une posture diligente, se démenant avec une persévérance infatigable, usant de toutes ses ressources pour guider les chevaux. Les nobles bêtes, las de leurs efforts, peinaient à avancer, entravées par l'épaisse couche de neige qui avait recouvert le chemin d'un manteau immaculé et glacé.

— Je veux sortir, grommela-t-elle, croisant les bras sur sa poitrine en arborant une moue enfantine.

— Cessez de vous comporter comme une jeune fille, je vous en prie. Nous devrions parvenir à notre destination dans une vingtaine de minutes.

— Je n'attendrai pas jusque-là, déclara-t-elle en se relevant d'un bond, puis elle ordonna de stopper la voiture avant d'ouvrir la portière pour s'élancer prestement hors du véhicule, atterrissant gracieusement sur le chemin.

— Vous n'y songez pas sérieusement, lui demanda-t-il en levant les yeux au ciel.

— Oh que si ! Victor, suis-moi, nous allons marcher !

Le garçon n'eut pas besoin de plus d'encouragement et, dans un éclat de rire cristallin, il la rejoignit en sautant à son tour dans la poudreuse. Tous deux lancèrent un dernier sourire extatique à Aron avant de claquer la portière de la berline derrière eux. Un calme absolu régnait en maître, tandis que le vent, tel un discret soupirant, se tenait en retrait, laissant les flocons choir avec une grâce infinie, parant la vallée de leur manteau immaculé. Malgré la neige qui atteignait leurs genoux, une sensation de froid n'était point ressentie ; plutôt, une joie exaltante s'emparait d'eux, une allégresse qui grandit à mesure qu'ils distinguaient les ombres lointaines des poudrières ardoises.

Dans un soupir mélodieux, Monsieur Ashford se joignit à leur promenade, et Élinor, sans hésitation, saisit l'opportunité de s'accrocher gracieusement à son bras.

— Je savais que vous viendriez, affirma-t-elle, triomphante.

— Naturellement, répondit-il d'un ton qui semblait empreint de la plus élémentaire évidence. En tout cas, je demeure toujours admiratif de l'énergie débordante qui vous anime lorsque vous retournez dans votre campagne. Quel dommage que nous n'ayons pas choisi cet endroit pour notre lune de miel, ajouta-t-il en lui glissant un rictus narquois.

— Vous avez de la chance que je n'ai point de chaperon pour vous rabrouer, vous et vos obscénités.

— Je crois, Mademoiselle, qu'il faudrait davantage que cela pour heurter la sensibilité de votre Altesse, à moins que vous n'ayez, finalement, décidé de vous comporter en une délicate et pure ingénue.

— Grand Dieu, espérons que je n'en arrive jamais là... Je vous en ferais volontiers le reproche, Monsieur, si cette attitude ne me procurait point un amusement sincère.

— Une fois nos vœux échangés, soyez assurée que je ferais bien plus que seulement vous amuser.

— Évitez de vous vanter outre mesure, vous pourriez encore me faire reconsidérer mon choix.

— Peut-être, mais vous ne le ferez pas.

Ils partagèrent un regard de connivence avant de reporter leur attention vers l'horizon, duquel se dessinait les contours du châtelet.

— Où partirons-nous en lune de miel, s'enquit-elle, curieuse, vous ne m'avez toujours pas conter les détails.

— À la Nouvelle-Orléans, en Italie, en Russie, en Amérique... Il y a tellement de choses à voir dans le vaste monde, nous prendrons le temps de découvrir et d'apprécier toutes ses merveilles, déclara Aron avec une conviction passionnée.

ÉlinorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant