Chapitre 27

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Les souvenirs de la soirée demeuraient flous dans l'esprit d'Élinor. Après réflexion, elle n'était pas convaincue de vouloir se les remémorer dans les moindres détails, sachant pertinemment qu'elle n'y brillerait point par une dignité sans égale.

La jeune fille se rappelait le confort moelleux de la méridienne, la caresse bienfaisante du vent frais qui balayait son visage suant, le calme apaisant de la nuit noire enveloppant le balcon, et la splendeur étincelante du ciel étoilé. De tout ce tableau enchanteur, elle gardait en mémoire une voix suave qui semblait lui parvenir tel un murmure lointain dans l'éther des songes.

Lorsqu'elle eut enfin reprise connaissance, ce n'était plus Aron mais Esther qui se tenait au-dessus d'elle. Ayant légèrement dégrisée après une bonne heure de sommeil, elle lui expliqua avoir confondu le punch avec du jus de fruit ce qui ne manqua pas de faire exploser de rire sa benjamine qui n'essaya pas une seconde de la déculpabiliser.
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Élinor, pétrie de contrition, n'eut point le cœur de s'adonner à la réprimande envers elle-même ; en son for intérieur, elle savait que sa situation était risible et sa faute, hélas, dénuée de la plus élémentaire prudence. Elle ne pouvait qu'en convenir avec humilité. Après maints efforts laborieux pour reprendre pied, la jeune demoiselle parvint, non sans peine, à clopiner gracieusement jusqu'à la salle de bal, où elle déploya un sourire empreint de courtoisie en guise de salutation à l'égard des convives. Tâchant de faire bonne figure, elle ne s'attarda cependant pas dans la pièce car un invité bien trop attentif aurait pu sans nul doute deviner qu'elle était soul après le simple examen de son regard vitreux et de son haleine aux effluves de liqueur.

Enfin, elle atteignit sa chambre, où elle s'étendit sur son lit, ses atours de bal encore sur elle. Les paroles d'Esther résonnaient toujours dans son esprit embrumé par les libations, lui avisant qu'il serait préférable de retirer sa somptueuse robe pour ne pas l'abimer en cédant au sommeil. Mais l'ivresse des émotions, mêlée à celle des breuvages, avait eu raison de ses résolutions les plus judicieuses et ce fut sa dernière pensée avant le trou noir.

Au petit matin, lorsque Marthe vint ouvrir ses rideaux alors que les premières lueurs du jour caressaient délicatement l'horizon, Élinor émergea péniblement de son sommeil agité. Une migraine foudroyante, telle une lame d'acier perçant son crâne, la saisit, comme un rappel douloureux des excès de la veille.

— Vous avez une mine affreuse Mad'moiselle Ausbourg, commenta la bonne femme en déposant sur sa table de chevet un pichet d'eau et une tasse de café fumant.

— Fais-moi couler un bain s'il te plaît, somma-t-elle en enfonçant sa tête sous la couette, cherchant à échapper aux rayons du soleil qui l'aveuglaient.

— C'est fait. Vous vous dépêcherez de boire ce que je vous ai concocté pour atténuer les conséquences de votre gueule de bois. Il ne faudrait pas que Madame Ausbourg vous voit dans cet état peu convenable.

Élinor se redressa d'un bond, terrifiée à l'idée d'avoir été démasquée.

— Tu... Tu au courant ? C'est Esther qui a rapporté, s'enquit-elle, sa voix frémissante d'inquiétude.

— Votre benjamine n'a rien dit ou fait. Il serait simplement ardu de l'ignorer. Même vous, malgré votre mépris certain pour la retenue lorsque cette dernière est appréciée, vous ne vous coucheriez pas dans un état pareil, rétorqua-t-elle d'un ton légèrement taquin.

La jeune fille se leva d'un bond pour aller regarder son reflet dans sa coiffeuse qui ne lui renvoya rien de plus qu'une vision d'horreur. Pour s'assortir aux dames de la haute société et prétendre faire partie de leur cercle, elle s'était noircie les yeux en mixant du jus de baies de sureau avec de la suie. Hélas, les traces des larmes de la veille étaient encore visibles, donnant à présent un aspect effroyable à cette pâle imitation de Pierrot, accentué par sa tignasse de cheveux hirsutes dressés sur son crâne, défiant la gravité.

ÉlinorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant