Chapitre 43

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Élinor aurait ardemment souhaité hurler mais les mots restèrent prisonniers, confinés au tréfonds de sa gorge. Elle se trouva clouée sur place, pétrifiée, à observer cette femme qui fut autrefois sa mère.

Elle avait beau avoir son corps, ses traits, elle n'était plus qu'une coquille évidée, une apparence dénuée d'âme, une figure creuse et dépourvue de toute vie intérieure. Désormais, celle-ci s'enserrait dans les rets d'un déni aussi profond qu'inébranlable, refusant de confronter la réalité impitoyable. Dans son monde altéré, son époux, encore vivant, demeurait appelé au foyer, revenant bientôt du labeur quotidien. Bien qu'elle arborât un sourire empreint de bienveillance, ses yeux, autrefois si vifs, semblaient désormais dépourvus d'éclat, vidés de toute lucidité. La jeune demoiselle ne tarda point à saisir l'inéluctable, la conscience de sa mère resterait engloutie, à tout jamais, six pieds sous terre, aux côtés du cadavre de son père.

— Qu'il y a-t-il ma chérie ? Pourquoi pleures-tu, s'enquit Madame Ausbourg, une sollicitude manifeste dans la douce résonance de sa voix.

La jeune femme n'avait guère remarqué les larmes qui s'échappaient abondamment de ses yeux sans qu'elle n'eut pu les arrêter. Son visage demeurait figé dans une expression d'effroi, une rigidité à laquelle nulle force ne parvenait à déroger. Car, en vérité, elle était effrayée, terrifiée même face à ce qu'elle considérait comme une vision funeste, un tableau d'horreur d'une noirceur insondable. Elle contemplait, sidérée, le spectre déchirant de la folie, revêtue de sa forme la plus pure et la plus douloureuse.

— Je... Je suis simplement heureuse de vous revoir, mère, parvint finalement à articuler Élinor, chaque syllabe émise lui demandant de fournir un effort considérable qui lui déchirait la cœur.

— Moi aussi je suis heureuse de te revoir. Essuie rapidement ces larmes, Amos ne souhaiterait guère te savoir aussi mélancolique lorsqu'il sera de retour.

C'en fut trop. La jeune demoiselle quitta la chambre et se hâta comme elle le put vers le rez-de-chaussée, ses émotions tourbillonnant en un tourment indomptable. Parvenant enfin à l'étage inférieur, elle s'accrocha désespérément à la rambarde, tentant de reprendre péniblement son souffle. Son front se perlait de gouttes de sueurs froides et sa tension vacillait. Soudainement prise d'une crise de panique, la jeune femme se trouva étourdie, ses efforts vains pour recouvrer son calme la plongeant dans un tumulte intérieur rendant le contrôle de sa respiration erratique impossible. Tel un animal piégé, elle secouait la tête frénétiquement, cherchant une échappatoire à cette détresse grandissante.

À la vue de son état, Marthe et Albert accoururent précipitamment, leurs visages miroirs de l'inquiétude. Ils la guidèrent avec précaution jusqu'à un canapé du salon, une tentative pour la maintenir sur pied avant que la force ne l'abandonne. Hélas, ils ne purent la déposer à temps, et Élinor s'effondra à genoux, dénuée de toute vigueur physique. Prise de spasmes et de convulsions, elle fut finalement emportée par un ultime râle, sa nausée trouvant une issue inéluctable sur le parquet. Le nom de la jeune femme jaillit des lèvres de Marthe, chargé d'une angoisse profonde, tandis qu'Albert donnait des ordres aux autres domestiques témoins de la scène, les enjoignant d'aller quérir le médecin en urgence et de rassembler le matériel nécessaire pour nettoyer les lieux souillés. Mais alors qu'Élinor succombait à l'obscurité qui s'étendait devant elle, tout devint silencieux, englouti par les ténèbres qui l'entouraient.


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Après plusieurs heures, elle recouvra ses esprits dans son lit, vêtue d'une fine chemise de nuit blanche. Un médecin se tenait à son chevet, auscultant avec minutie les battements de son cœur à l'aide de son stéthoscope.

— Elle se réveille, s'exclama Marthe en observant les paupières de sa maîtresse papillonner, s'adaptant progressivement à la douce lueur ambiante.

ÉlinorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant