Chapitre 2

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Le temps se gâta rapidement et la matriarche enjoignit ses filles de regagner leurs chambres afin de parachever leurs devoirs de latin. Élinor demeura en retrait, à contempler lascivement le ciel s'assombrir et les nuages d'anthracite s'accumuler au-dessus d'elle.

— Élinor, ma chérie, il est l'heure de rentrer, l'interpella Madame Ausbourg depuis le seuil de la bâtisse.
La jeune fille traîna les pieds jusqu'au perron avant de se retourner une dernière fois vers les landes.

— S'il vous plait mère, pourrais-je rester dehors encore un temps ? Je n'ai guère eu l'occasion de me promener aujourd'hui, lui demanda-t-elle, les yeux toujours porter vers l'horizon lointain.

— Très bien, mais attendez que vos sœurs soient dans leurs chambres, que nul ne puisse m'accuser de favoritisme. Promettez-moi seulement de ne point vous éloigner du sentier et de chausser vos bottes de pluie, consentit-elle en laissant échapper un soupir lassé.

— Oh, merci maman, la remercia-t-elle en lui accordant une étreinte avant de courir revêtir des vêtements plus seyants.

À peine arrivée dans ses appartements, Élinor s'évertua à dénouer elle-même les corsages de sa robe sous le regard effaré de sa femme de chambre qui préparait sa couche pour la nuit.

— Enfin mad'moiselle un peu de tenue ! Laissez-moi vous aider, rabroua-t-elle avec fermeté la jeune fille en abandonnant ses draps pour l'aider à se défaire de ses jupons et de sa crinoline.

— Merci Marthe, qu'est-ce que je ferais sans vous !

— Pourquoi donc vous changer en plein après-midi ? Souhaitez-vous faire une sieste ? Veuillez m'excuser, je n'ai pas encore terminé de renouveler votre literie.

— Grand Dieu non ! Je sors me promener ! Pouvez-vous me préparer un bloomer s'il vous plaît ?

— Par un temps pareil, s'exclama la domestique, effarée.

— Mère m'a octroyé son autorisation, se vanta-t-elle tout en ajustant les lacets de son corset tandis que Marthe farfouillait dans son armoire.

— C'est une femme charitable votre mère. Une grande dame en vérité ! Enfin... Vous savez ce que je pense de ce genre d'accoutrements. Une jeune fille de votre condition ne devrait point avoir à se travestir ainsi, s'offusqua la bonne femme en extrayant des étagères un pantalon bouffant et une simple robe de coton dont la dentelle s'arrêtait seulement quelques centimètres en dessous des genoux. Vous devriez arrêter de lire la presse américaine, elle vous remplie la tête de sottises, la mit-elle en garde tout en continuant de marmonner des reproches à peines inaudibles.

— Oh Marthe, c'est tellement plus confortable que tous ces jupons pour la marche. Je risquerais d'abîmer mes belles robes par un temps pareil.

— C'est d'autant plus de raison pour ne point aller danser sous la pluie ! Imaginez que quelqu'un vous surprenne ainsi vêtue, c'est défendu de se parer ainsi sans autorisation, l'avertit-elle tout en nouant un châle autour de ses délicates épaules.

— Le village le plus proche est à une vingtaine de kilomètres, je ne risque rien, répliqua-t-elle en enfilant ses bottes de cuir.

— Soit, conclut Marthe, calant ses poings au creux de ses reins dans un soupir exacerbé.
La jeune fille la remercia d'une brève révérence puis s'élança dans le couloir.

— Avant de partir, permettez-moi de vous exprimer ma gratitude pour votre dur labeur. Sachez qu'il reste une bonne dizaine de pâtisseries de notre goûter aux cuisines et je crois me rappeler que vous raffolez des tartelettes aux framboises. N'hésitez pas à les partager avec les autres !

ÉlinorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant