Chapitre 45

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La réponse de ses sœurs ne tarda pas à tomber. Les lignes soigneusement tracées sur le papier ne renfermaient nulle rancœur à son égard. Elles la remercièrent de les avoir prévenu sur l'état de leur mère en lui jurant qu'au moindre problème, elles rappliqueraient en vitesse. Une déclaration faite avec une clairvoyance certaine que leur aînée, par nature, n'accorderait jamais sa bénédiction à l'abandon de leur vie citadine à Paris, au profit d'un tel acte de dévotion morale. Evalyn ne pouvait se permettre de renoncer à ses concerts ainsi que les rémunérations qui en découlaient, tandis qu'il était absolument inconcevable qu'Esther délaisse les rênes de la banque à la merci de quelque associé que ce fût.

Elles exprimèrent des réticences quant à la démarche entreprise par Élinor en ce qui concernait l'adoption, préférant ardemment qu'elle eût pris la précaution de solliciter leur avis au préalable. Toutefois, au fil de ces considérations partagées, les deux sœurs se rallièrent finalement à l'idée, lui concédant ainsi un crédit entier de confiance en ses intentions, s'impatientant même de rencontrer le nouveau petit neveu.

En ce qui concernait Élisabeth, tandis que la jeune demoiselle anticipait d'ores et déjà l'imminence de ses remontrances, la maternité l'avait apparemment assagi car elle manifesta un engouement certain pour cette annonce et se ravissait que sa cadette ait songé à une solution aussi charitable. La Duchesse consentit également à lui distiller quelques précieux préceptes concernant l'art délicat de l'éducation et la rassura quant au déroulé de sa nouvelle grossesse en affirmant se réjouir que ses propres enfants aient bientôt un "grand cousin".

Élinor se surpris à s'émouvoir à ces lectures, constatant que malgré leurs réserves, la confiance de ses sœurs en sa personne demeurait inébranlable, même après toutes ces années.

Le facteur n'apporta point seulement le courrier usuel, mais également une missive provenant de l'orphelinat, une réponse rapide et affirmative à sa démarche. Les pupilles sans foyer, semble-t-il, ne manquaient pas ou, peut-être, l'établissement désirait-il ardemment se débarrasser de l'un d'eux. La jeune demoiselle préféra rester optimiste et à l'instant même de la réception, elle donna sur-le-champ l'ordre à Albert de préparer son attelage, déterminée à se soustraire à l'obligation d'un cocher. Son ardent souhait s'ancrait dans le besoin d'un tête-à-tête solitaire, où chaque mot pourrait éclore sans bride ni entrave, s'élevant dans le cadre paisible du voyage. Dans l'intimité de cette course, elle espérait aborder avec son potentiel petit protégé les arcanes de son adoption.

Trépignant d'impatience, elle hâta Corbeau d'accélérer le pas pour parvenir au plus vite à Provins. Comme à son habitude, les regards suivirent son arrivée sur les chemins caillouteux du village, Le tableau, fort peu coutumier en ces lieux, d'une dame aux rennes de sa propre voiture étant assez singulier pour attirer l'attention des curieux. Toutefois, ses charmes ne suscitaient plus l'émulation passionnée qu'ils avaient jadis provoquée lorsqu'elle était à l'aube de sa jeunesse. Peut-être, dans les esprits des riverains, la pensaient-ils déjà mariée, sa fierté en prenait un coup.

Après un trajet de près d'une demi-heure, elle parvint enfin à stationner au sein de la cour de l'orphelinat. L'édifice, bien que n'étant plus tout à fait empreint de la vigueur de sa jeunesse architecturale, demeurait cependant digne dans sa propreté soigneusement préservée et son entretien attentif. Les bambins qui s'ébattaient dans les environs tournèrent leurs regards étonnés vers elle au passage de son équipage, non point accoutumés à l'apparition d'une aussi gracieuse damoiselle, issue de si noble lignée, rendant visite à leur directrice. Les individus qui venaient en ces lieux étaient pour la plupart animés du seul dessein de recruter une main-d'œuvre aux émoluments modestes, une main-d'œuvre qui, par-dessus tout, se plierait avec une docilité presque servile à la réalisation de leurs moindres caprices. Ainsi, il n'était guère surprenant que, face à une telle conjoncture les enfants finissent par se rebeller.

ÉlinorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant