Chapitre 39

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L'intérieur dévoilait une splendeur encore plus imposante que son enveloppe extérieure. Le dallage géométrique entremêlait habilement les teintes de rouge brique, d'ivoire noir et de blanc d'Espagne, ces nuances s'entrelaçant pour créer un tableau de motifs saisissants. Les carreaux jouaient leur propre rhapsodie lumineuse, reflétant les rayons du soleil qui pénétraient par la fenêtre du dôme octogonal surplombant, emplissant ainsi toute la cage d'escaliers d'une luminosité éclatante.

Le plafond se parait d'esquisses de fresques d'inspiration italienne, ornées de dorures semblables à celles qui ornaient les voûtes de la chapelle Sixtine. Les motifs picturaux évoquaient des scènes mythologiques et pastorales, créant un véritable spectacle céleste au-dessus des têtes des visiteurs. Chaque élément, du moindre détail ornemental à la majestueuse matière du marbre, contribuait à la magnificence de la pièce.

— Les travaux ne sont pas parvenus à leur terme. Il vous faudra patienter quelques années encore avant de pouvoir jouir de leur achèvement.

— En effet, vous avez sans doute raison, concéda Élinor en ravalant habilement le scintillement de ses yeux.

— Monsieur Ashford ne devrait pas tarder, Mademoiselle. Je vous prie de bien vouloir l'attendre ici.

— Il n'est pas là ? Pourquoi m'a-t-il demandé de venir ici s'il ne vient pas m'accueillir, s'enquit-elle, outrée par son manque de bonnes manières.

— C'est là un mystère qui m'échappe. Monsieur m'a simplement confié que cela ne vous dérangerait et il a ajouté que vous possédiez une patience exemplaire, avança-t-il, visiblement embarrassée lorsqu'il perçut l'expression de contrariété sur son visage.

— Très bien, soit, souffla-t-elle résignée en se laissant choir sur une banquette, c'est de bonne guerre.

— Que voulez-vous dire ?

— Oh, rien du tout, une parole en l'air. Je regrette qu'il vous ait ainsi mobilisé pour si peu.

— En aucune façon, Mademoiselle Ausbourg. Je m'acquitte simplement de mes fonctions, la salua-t-il en inclinant respectueusement la tête avant de prendre congé.

Elle consentirait volontiers à patienter un instant pour expier son péché de l'avoir baladé pendant deux semaines. C'était la réflexion qu'Élinor se permit avant que l'ennui ne prenne place en elle quelques minutes plus tard. Cherchant à combler le temps inoccupé, elle décida d'explorer les lieux afin de satisfaire sa curiosité insatiable. D'un pas feutré, elle gravit les marches imposantes pour rejoindre le sommet de l'escalier hélicoïdal. Avec une perspective plus étendue, il était indubitable que des travaux restaient encore à accomplir. Les encadrements se dévoilaient vierges, drapés de linceuls immaculés, aucun buste sculpté n'adornait les rampes opulentes et les toiles d'araignées faisaient leur résidence dans les recoins obscurs, témoignant du temps qui s'écoulait languissamment.

Arrivée au sommet, elle posa délicatement sa tête entre ses coudes, les appuyant sur la rambarde du petit balcon, plongée dans une contemplation profonde. Comment une femme pouvait-elle ériger un tel édifice majestueux sans que celui-ci ne soit le fruit des actions de son mari ? Une interrogation tourmentait son esprit. Peut-être qu'un époux n'existait pas dans l'équation ? Cependant, le majordome avait employé le terme de "Madame" pour la désigner... Était-elle peut-être une veuve, une douairière dont le passé était empreint d'une histoire tragique ? L'idée s'insinua en elle tel un voile mystérieux. Que pouvait bien signifier cette association avec une femme de son rang, si elle en était vraiment une ? Élinor se garda bien de deviner les pensées du personnage énigmatique d'Aron Ashford.

À mesure qu'elle laissait échapper des soupirs de plus en plus sonores, elle prit soudainement conscience du caractère acoustique du lieu, accentué par l'absence de mobilier et les parois en pierre. Un écho mélodieux se formait et se réverbérait dans les hauteurs de la cage d'escalier. Peu à peu, un sourire espiègle naquit sur ses lèvres, emportée par cette nouvelle découverte. Avec une curiosité enfantine, elle expérimenta la puissance de sa propre voix, laissant les notes résonner et ricocher dans l'espace. Heureusement que sa mère ne pouvait la réprimander, jamais elle ne cautionnerait de telles puérilités. Cependant, ces enfantillages procurèrent à la jeune femme un bien-être insoupçonné. Il s'était écoulé tant de temps depuis qu'elle se fut permise le moindre écart de ce genre.

ÉlinorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant