Madame Ausbourg reprit connaissance seulement quelques heures après avoir tourné de l'œil, fort heureusement, sans le moindre souvenir de l'annonce faite par sa fille. Elle renoua donc avec le court de son existence de déni, le nez collé contre la vitre de sa fenêtre.
Malgré les apparences d'une querelle, Élinor ne trouva point en son cœur la volonté de reprocher à Aron ses propos, même si leur teneur pouvait sembler offensante. Elle aspirait à jouir paisiblement de son domaine, et non à gaspiller son temps en des disputes futiles, surtout que la demoiselle aurait eu bien du mal à le contredire sur certains points...
Au lieu de ça, elle entreprit de lui faire découvrir les terres Ausbourg et exigea donc qu'il l'accompagne pour toutes ses balades, dans les vastes landes ou au plus profond des bois environnants, À chaque méandre du sentier, elle tressait des récits, évoquait des souvenirs, partageait des anecdotes, ou encore livrait de délicates et poétiques descriptions des paysages, de la faune et de la flore. La jeune femme narrait si admirablement les lieux que, fut-il été aveugle, qu'Aron aurait pu les imaginer, tant elle les rendait vivants par la magie de ses mots. Il l'écoutait religieusement, savourant chaque instant de l'ardeur passionnée qu'elle insufflait à ses discours, de cette énergie qui faisait scintiller ses grands yeux noirs d'une émotion fervente.
Outre ces innombrables escapades, qu'il s'agisse de chevauchées à travers les contrées pittoresques ou de glissades gracieuses sur la surface gelée du lac, elle s'astreignait à l'ardu labeur de l'instruction et à l'éducation de Victor, dont elle regrettait amèrement d'avoir négligé les premières étapes lors de son arrivée. Elle ne souhaitait point qu'il fût le jouet des tourments engendrés par ses moments d'irritation et d'accablement. Aron, quant à lui, consentit volontiers à prendre part à cette noble entreprise, initiant le jeune Victor à la chasse, l'astronomie ou les échecs, des pratiques masculines à laquelle la demoiselle ne s'était guère jamais adonner.
Le garçon était ravi, Élinor, pas vraiment, fermement persuadée que cette joie découlait davantage de l'attention dont il était l'objet que de l'acquisition de nouvelles connaissances. Elle le tenait en haute estime, cela va de soi. Il se révélait être un esprit vif, doué d'une intelligence aiguisée, empreint de curiosité et d'une docilité rare pour un enfant de dix ans. Toutefois, il incarnait tout ce qu'un chérubin de cet âge ne devrait pas être. Elle éprouvait de la compassion pour lui, mais ne parvenait pas à susciter en son sein cette fibre maternelle, ce subtil mélange de sensibilité et de discipline parfaitement symbolisée par sa mère et Élisabeth.
La jeune femme n'avait encore abordé avec Aron la question de la parentalité, toutefois, elle pressentait que Monsieur Ashford ne manquerait point d'exprimer son désir d'une descendance. La demoiselle, à cet égard, se trouvait partagée par une appréhension toute particulière, indécise quant à savoir si elle devait craindre davantage les responsabilités liées à l'éducation ou les défis inhérents à la conception. À mesure qu'elle méditait sur la question, moins elle la jugeait épineuse, et elle finit par résoudre à en toucher deux mots à son fiancé pour comprendre toute la teneur des tenants et aboutissants du contrat qu'ils s'apprêtaient tous deux à signer.
Elle empoigna fermement ses jupons et entreprit d'arpenter la bâtisse pour le trouver, allant s'enquérir auprès de chaque domestique qu'elle croisait pour connaître sa position qui demeurait inconnue. Tout en courant ainsi pour traquer celui qui semblait tout mettre en œuvre pour échapper à son emprise, elle ne réalisa pas qu'elle incarnait parfaitement, avec une troublante précision, le rôle de Madame Ausbourg encore quelques années auparavant. Au premier abord, Élinor ressentit simplement de l'agacement, toutefois, elle s'adoucit lorsqu'elle vint frapper à la porte de Victor et qu'elle découvrit le jeune homme assis devant un échiquier, les sourcils froncés dans une expression de frustration, tandis que son adversaire, à l'opposé, semblait prendre un plaisir manifeste à la situation.
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Élinor
Tarihi KurguProvins, 1850. Héritière d'une puissante famille bancaire parisienne, Élinor Ausbourg se délecte de la quiétude de sa campagne natale, loin des agitations tumultueuses de la Ville Lumière. Telle une âme solitaire, elle trouve refuge dans la nature e...