Chapitre 11

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— Je t'en prie, Élinor, resserre davantage mon corset, implorait Élisabeth d'une voix entrecoupée, ses dents serrées, tandis qu'elle s'accrochait à la poutre sculptée de son lit à baldaquin, alors que sa sœur cadette nouait les lacets de sa guêpière.

— Ah non, certainement pas ! Cinquante-cinq c'est amplement suffisant. Je ne veux pas être tenue responsable de ta mort par asphyxie pendant le repas !

— Je te ferai savoir que le tien n'excède pas les cinquante-trois, objecta l'ainée.

— Et j'ajouterai que je n'ai pas une poitrine aussi opulente que la tienne. Ne t'inquiète pas, ces messieurs seront bien plus captivés par le charme de ton décolleté que par celui ton tour de taille, la rassura Élinor en roulant des yeux.

— Quelle grossièreté, s'outra Evalyn qui tergiversait sur le choix de ses souliers.

— C'est pas juste, vous pourrez danser et pas moi après le repas, se plaint Esther en faisant la moue, la tête posée au creux des bras, avachie sur le lit, attendant patiemment que ses sœurs finissent de se préparer.

— Tu devrais t'en réjouir ! Hormis Élisabeth, nous sommes de piètres danseuses. Songe à l'embarras si nous venions à piétiner les pieds de nos cavaliers, nous serons couvertes de honte, affirma Evalyn qui ne pouvait s'empêcher de se tourmenter.

— Quoi qu'il arrive tu ne sembles jamais satisfaite lorsque cela ne concerne pas ton violon, répliqua la benjamine.

— Les filles, cessez vos chamailleries. La situation est déjà suffisamment angoissante, nul besoin d'en rajouter une couche, somma Élisabeth tout en enfilant sa robe de soir couleur nuit qui sublimait le bleu étincelant de ses yeux.

— De quelle anxiété est-il question, tu es parfaite, affirma Élinor en ajustant avec précaution les volants délicats de son échancrure.

— J'aimerais avoir autant d'assurance que toi dans l'art du mensonge.

— Un mensonge n'est crédible que si l'on y trouve un fond de vérité.

Les deux sœurs aînées échangèrent un regard complice teinté de connivence. Élisabeth, soudainement saisie d'une émotion sincère, prit Élinor dans ses bras avec tendresse, la serrant contre son cœur.

— Pour nous porter chance, lui chuchota-t-elle à l'oreille dans un murmure à peine inaudible avant de s'éloigner pour l'aider à ajuster elle aussi sa propre robe.

— Depuis quand verses-tu ainsi dans les sentiments ? La dame de fer aurait-elle finalement un cœur derrière ces jolies étoffes, demanda Élinor sur un ton teinté d'ironie.

— Qui sait, répondit-elle en haussant légèrement les épaules, laissant planer le mystère sur son véritable ressenti.

La porte de l'immense chambre d'hôtel s'ouvrit subitement, déclenchant un fracas qui fit tressaillir les demoiselles Ausbourg. Leur mère, tout aussi élégamment vêtue, fit irruption dans la pièce, pressant ses filles de hâter leurs préparatifs. Cependant, lorsqu'elle posa les yeux sur elles, son humeur grondeuse se dissipa brièvement, laissant place à une expression empreinte de fierté mêlée d'affection.

— Ma parole, vous êtes resplendissantes, s'émerveilla la matriarche d'une voix marquée par une sincère admiration, tandis qu'elle fit signe à ses filles de tourner gracieusement sur elles-mêmes, permettant ainsi à ses yeux scrutateurs d'apprécier chaque détail de leur tenue avec minutie.

— Vous ne pensez pas que nous aurons l'air de bourgeoises de campagne, lui demanda Evalyn.

— Sottises ! Puissent-ils un jour croiser des campagnardes qui aient votre allure. Allons, dépêchons, notre voiture nous attend.
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Une luxueuse berline noire, majestueuse dans sa splendeur, patientait sagement sur la chaussée pavée, attelée à une paire d'élégants chevaux andalous, dont les robes sombres faisaient écho à la couleur ténébreuse de la carrosserie. Le père, vêtu de son plus somptueux costume, se tenait droit devant la voiture, attendant avec courtoisie que ses filles s'approchent. Son regard fier et bienveillant traduisait l'importance de l'instant, tandis que ses gestes gracieux indiquaient le début de cette sortie mondaine. Le contraste saisissant entre la noirceur de la voiture, la prestance des destriers et l'élégance du patriarche créait une atmosphère empreinte de distinction et de raffinement, annonciatrice d'une promenade placée sous le signe de la grandeur et du prestige.

ÉlinorOù les histoires vivent. Découvrez maintenant