11. Fuir le bal (flashback 2/2)

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Les lèvres de Sam sur celles de Sophie ! Pourquoi ?

Avaient-ils trop bu ? Je m'étais figée au milieu de la foule qui dansait et tapait des mains sur un rythme que je ne reconnaissais pas. Sam... pourquoi ?

Quelqu'un m'avait bousculée, j'avais trébuché et étais tombée sur une vampire. Eloïse !

Je ne lui parlais que rarement, mais je la connaissais très bien ! Elle me détestait depuis le lycée et avait toujours eu des vues sur Sam. Elle m'avait tendu la main pour que nous nous relevions ensemble. Étrangement sympa de sa part... Mais son regard était mauvais et elle m'avait jeté un petit sourire en coin.

— Ma pauvre Emilie, comme c'est dur de se faire piquer son copain par sa meilleure amie.

— C'est un simple malentendu...

J'essayais de me draper dans un semblant de dignité.

— Oh vraiment ? avait-elle ri. Mais ça fait des mois que ça dure. Depuis l'été, je crois. Je les ai déjà vus en ville et à la fac. Ils s'embrassent partout et tout le temps. Comme je ne te voyais plus en cours, je pensais que tu réparais ton petit cœur blessé dans ta grotte de gros ours mal léché... Mais en fait tu n'étais même pas au courant. Ma pauvre, quelle horreur ! Bon, après tout c'est Halloween... l'horreur est de circonstance, tu ne crois pas ?

Je n'avais pas répondu. C'était la première fois de ma vie que je ne trouvais aucune répartie. Mon esprit était vide. Eloïse avait fini par me planter là, au milieu des danseurs, sans un mot. Au même moment, j'avais aperçu au loin le visage pétrifié de Sophie, qui venait de me reconnaître dans la foule. Elle avait repoussé Sam qui était accroché à elle, réclamant un autre baiser. Ce n'était clairement pas leur premier. Près d'eux, mes amis ne semblaient pas surpris. Ils riaient et encourageaient Sophie à continuer. Je pouvais deviner leurs discussions de là où j'étais. Pas besoin d'un dessin. Eloïse avait raison. Cela devait faire des mois que ces deux-là étaient ensemble. Des mois et je n'avais rien vu.

Je me souvenais bien de la fois où j'avais trouvé des affaires appartenant à Sophie dans la chambre étudiante de Sam, mais il avait prétexté un exposé commun. Je ne m'étais pas méfiée. Je trouvais super que mon amoureux s'entende bien avec ma meilleure amie. J'avais faux sur toute la ligne. J'aurais dû m'en rendre compte avant. J'aurais dû reconnaître les signes avant-coureurs, mais j'étais en plein deuil, incapable de réaliser quoi que ce soit.

Sophie me regardait depuis le bar. Elle avait fait un pas vers moi, mais j'avais reculé d'instinct. Sam ne comprenait rien. Il avait fini par jeter un coup d'œil vers la source de sa panique et s'était liquéfié en me découvrant parmi les fêtards.

J'étais partie aussi vite que possible. Pas la peine d'afficher mon humiliation devant toute l'université. J'avais traversé le campus alors que Sophie et Sam couraient derrière moi. Ils me hurlaient de revenir. Un groupe d'étudiants saouls avait fini par arrêter ma course... Et Sophie m'avait rattrapée.

— Emilie, je t'en prie, ce n'est pas...

— Quoi ? Ce n'est pas quoi ? avais-je rétorqué. Que vas-tu inventer pour t'excuser ?

— Ne crie pas sur Sophie, était intervenu Sam. C'est moi ! C'est moi, qui ai mal agi. Je... je l'aime.

— Quoi ?! s'était écriée Sophie en le regardant, interdite. Ne me dis pas que tu m'aimes ici. Ne dis pas ça maintenant, pour la première fois !

— Pardon, avait murmuré Sam en regardant mon amie, je... C'est vrai, Sophie, je ne m'y attendais pas. Je t'aime vraiment. Je t'aime éperdument.

J'étais restée là, comme une imbécile, à les écouter s'avouer leur amour devant moi, comme si je n'existais pas. Personne n'aurait dû se réjouir davantage de cette scène que moi. On se réjouit forcément quand il s'agit de sa meilleure amie. Mais entendre ces paroles de la bouche d'un homme qui hésitait à me les dire, même dans son lit, d'un homme que j'aimais depuis presque deux ans, entendre ce « je t'aime » passionné lancé à une autre femme, offert à ma meilleure amie... C'était amer et déchirant.

Une double trahison. Ils m'avaient menti tous les deux. Ils m'avaient caché leur relation pendant des mois. Mes amis étaient au courant. Même Eloïse le savait ! Ils ne se cachaient pas. Sauf de moi.

Dans le campus, les gens qui se rendaient la fête s'étaient massés autour de nous. Ils regardaient la belle blonde pleurer et trembler d'émotion en entendant ces trois mots magiques.

Sur le côté, il y avait cette grosse fille qui ne savait plus où se mettre, qui ne devait pas être là – qui n'aurait pas dû exister. Il y avait cette fille banal, une tache sur le tableau de leur amour. Il y avait une poussière dans ses yeux. Était-elle en train de pleurer ? Elle était partie enfin et tout le monde s'en moquait. Parce que la grosse fille n'avait rien à faire dans cette histoire romantique. La grosse fille aurait dû applaudir et se réjouir du bonheur des autres... Les beaux, ceux qui s'aiment, les rôles principaux des grands films hollywoodiens, séduisants et filiformes. Sophie est si belle. Je l'avais toujours vue comme une princesse. Sam faisait un prince idéal. C'était le happy end rêvé de ce conte de fées moderne : la déclaration d'amour à la fin d'un bal costumé !

La seule ombre au tableau, c'est la fille sur le côté. « Qu'elle parte ! Son cœur brisé n'est qu'une broutille. Oh, et puis, on l'effacera au montage. » Les gens n'aiment pas les personnages secondaires. Ils n'aiment pas les personnages annexes qui manquent d confiance en eux. Il faut être fort et afficher sa bonne humeur en toutes circonstances.

Je n'en pouvais plus. J'étais montée dans ma voiture tandis que Sophie embrassait Sam. J'étais partie.

Je n'ai plus jamais remis les pieds sur le campus. Je n'ai plus jamais répondu aux messages de Sophie. Sam, quant à lui, n'a pas tenté de m'appeler. C'était fini. Le personnage secondaire était sortie du cadre. Les personnages secondaires s'effacent toujours devant le bonheur des stars.

J'ai tout fait pour oublier. J'ai même accepté ce poste offert par Thomas. Je voulais partir le plus loin possible même si pour cela il fallait pactiser avec le diable. Je ne croyais pas que mon cœur serait si fragile...

Comment une simple annonce de fiançailles sur Internet a pu me conduire ici... entièrement habillée, sous un jet d'eau chaude censé masquer le son de mes sanglots ? Mes gémissements retentissent encore dans la cabine.

Soudain, l'eau arrête de couler. Je lève les yeux. Une main empoigne mon bras et me force à me redresser.

😈😈😈😈😈😈😈😈😈

Rdv chaque jour à 20h (heure de Paris) pour la suite.

Midnight SongOù les histoires vivent. Découvrez maintenant