— Ça t'intéresse vraiment ou tu cherches à me manipuler ? je me méfie.
— Loin de moi cette idée ! rit Thomas.
Son sourire immense me cloue sur place. Il a de légers cernes, je devine qu'ils sont le fruit de son travail nocturne sur l'interview. Il se penche en arrière, les mains posées sur le banc et fixe le ciel à la recherche de je ne sais quelle idée. Il a toujours un peu ce pouvoir étrange qui me noue l'estomac. Comme si son emprise magique remuait chaque cellule de mon corps.
— Thomas, tu es toujours si calme... Qu'a dit Damon pour te mettre en colère ?
— Que tu avais passé la nuit dans les bras de Vincent.
— Ce n'est pas ce que tu crois...
Je me lève d'un bond. Je suis si choquée et je me retiens de hurler sur Damon !
— Je sais... soupire-t-il. Vincent et toi... C'est impossible.
Je devrais être soulagée que Thomas me croie plus digne de confiance que Damon, mais sa façon de dire le mot impossible a quelque chose de vexant.
— Je n'ai rien fait, mais pas la peine de me dévaloriser. Si Vince me plaît et inversement, il n'y aurait rien de ridicule à ce que je... Euh... Enfin, non parce que je travaille pour les 4D, mais bon, tu sais ce...
Lucifer ricane en me regardant en coin. Il se moque de moi ? Il recommence. Toujours ! À croire que je ne suis qu'une gamine, que je ne peux pas être assez jolie pour attirer l'attention de qui que ce soit. Je le déteste soudain. Comme ce jour où il a détruit tous mes espoirs d'être aimée pour moi-même. Me reconstruire m'a pris du temps, tellement de temps. C'est dans les bras de Sam que j'ai réappris à aimer mon corps, à m'accepter sans gêne.
Comment ai-je pu croire qu'après ma rupture avec Sam, c'est Lucifer qui aurait pu m'aider ? Les deux hommes sont différents, mon amour pour chacun d'eux était diamétralement opposé. Ils sont aux antipodes l'un de l'autre.
Je respire fort et je sens le rouge de la honte me monter aux joues. Ma marraine m'avait prévenue : on ne doit pas faire confiance au diable, ni penser en être aimé, car il exige trop en retour.
Je recule pour retourner dans le loft, furieuse contre moi-même, contre mon estomac et ses papillons noirs qui me dévorent de l'intérieur chaque fois que Thomas est près de moi. Tout l'air de la capitale ne suffirait pas à m'aider à reprendre mon souffle. Je suis stupide de croire encore en lui – comme à cette époque où je lui avais confié tout mon être... Mais je n'ai plus dix-sept ans et il est temps que je passe à autre chose.
Je suis si énervée que j'ai du mal à ouvrir la porte-fenêtre. Pourtant, je veux fuir cette terrasse et ne plus être près de cet homme hautain et égocentrique. Lucifer n'est que mon supérieur. Il doit être rangé dans le cadre professionnel, et non dans mon cœur. Il faut que je dépasse mes souvenirs et ce fichu trou qu'il creuse à l'intérieur de mon âme, comme un fossoyeur creuse la terre malléable. Bon sang, pourquoi cette porte est-elle coincée ?
Je suis prête à la briser pour me mettre à l'abri. Je ferais n'importe quoi pour échapper à ma colère. Soudain, la main de Thomas se pose sur mon épaule et me fait pivoter. Je recule, plaquant mon dos contre la vitre glacée.
— Pardonne-moi, Emilie. Je perds parfois mon calme quand tu es là... Enfin, je veux dire : ne sois pas triste.
— Tu n'as pas besoin de jouer les protecteurs, dis-je alors que mon cœur s'emballe de le voir si près.
Je perds le fil de mes idées. Il y a en moi ce sentiment puissant et incontrôlable que je reconnais si facilement.
— Moi aussi, il m'arrive de... Euh... Quand tu es proche de moi... je murmure sans m'en rendre compte et mes pensées sont anarchiques.
— Je suis désolé, dit-il tout bas.
Ses yeux d'or se baissent et son visage s'approche doucement du mien. Ses lèvres brûlantes sont près de mon oreille. Malgré le froid de février, je sens la chaleur monter. Je suis repartie des années en arrière. Me revoilà en enfer, prise au piège des regards de Lucifer.
Je ne sais plus qui je suis ni ce que je fais, quand son parfum épicé me brûle l'esprit.
— Je crois, dit-il, qu'on nous observe.
Un bruit derrière moi me fait sursauter. Cela provient du salon...
Thomas se redresse, ouvre nonchalamment la porte-fenêtre et rentre dans le loft, en reprenant une attitude professionnelle. Comme si ce rapprochement ne venait pas de me bouleverser. Mes yeux et mon cerveau sont déconnectés.
Je retiens mon souffle : il me semble que c'est Damon que je vois planté dans le salon, l'air abasourdi. Il ne peut s'empêcher de me dévisager. De là où il se trouve, il a dû penser que Lucifer m'embrassait !
Un vent glacial souffle derrière moi et s'engouffre dans la pièce. Mais je doute que ce soit suffisant pour éteindre les flammes qui brûlent dans les yeux du chanteur. Ma honte est à son comble.
Je reste figée sur la terrasse, tandis que Vincent, Léo et Ethan débarquent pour réclamer leur déjeuner. Damon, lui, me lance un regard incompréhensible.
Est-ce qu'il nous a vus ? C'est la seule question qui compte, la seule que j'arrive à formuler. Et cette question est immédiatement suivie par la supplique aiguë de mon âme désespérée : « Pitié, faites que ce ne soit pas le cas ! »
J'ai perdu la raison. Il ne faut plus que cela recommence : je dois arrêter de me faire des films et oublier Thomas.
Comment dois-je réagir à présent ? Et pourquoi ai-je si mal quand je vois le chanteur des 4 D me fixer avec incompréhension ? Il ne cherche qu'à me faire renvoyer depuis le début. Il est allé jusqu'à dénoncer à son manager ma nuit avec Vince... Alors pourquoi suis-je abattue ? C'est à Damon de me présenter des excuses et pourtant son air blessé me bouleverse.
Je ne veux pas que Damon soit au courant de mon passé avec Thomas. Même si je ne sais pas très bien pourquoi. Et puis Thomas et moi, c'est du passé, je ne dois pas y repenser. Je suis cependant un peu perdue.
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On se demande ce qui se passe dans la tête de Damon, non ?
RDV demain à 20h
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Midnight Song
Teen FictionEmy est l'assistante du groupe de rock le plus populaire du moment et ce n'est pas de tout repos. Cendrillon, vous connaissez ? C'est moi, Emy, mais avec 4 musiciens au lieu de deux belles sœurs et un manager à la place d'une marâtre. Il m'arrive...